Des tendances similaires, des particularités distinctives
L’originalité de cette étude réside dans l’utilisation de mesures harmonisées du statut socioéconomique – ce qui a permis aux chercheurs d’établir des comparaisons entre les pays – et dans la prise en compte du risque relatif et du risque absolu. L’évaluation du risque relatif permet de comparer le risque de surpoids et d’obésité au sein du groupe de statut socioéconomique faible à celui observé dans le groupe ayant un statut socioéconomique élevé. La notion de risque absolu permet une analyse plus exhaustive, puisqu’elle tient compte de la proportion que représentent les groupes de statut socioéconomique élevé et faible au sein de la population. Ainsi, pour une population donnée, il est possible d’observer à la fois un risque relatif élevé (prévalence accrue de l’obésité chez les personnes dont le revenu du ménage est faible) et un risque absolu plus faible, du fait que les personnes ayant un faible revenu familial représentent un plus petit pourcentage de la population.
Bien qu’un lien entre le niveau d’éducation et de revenu familial de la mère et la prévalence du surpoids ou de l’obésité chez l’enfant ait été observé dans les sept cohortes, le degré d’importance de ces corrélations varie d’une population à l’autre. La Pre McGrath souligne que le Québec et le Canada, par exemple, présentent une prévalence similaire des cas de surpoids (25,9 % contre 26,6 %) et d’obésité (6,5 % contre 7,8 %) chez les enfants. Toutefois, ces différences se sont révélées plus flagrantes lorsqu’on a comparé le risque relatif et le risque absolu. En ce qui concerne le risque relatif, les enfants québécois nés de mères ayant un faible niveau de scolarité étaient environ trois fois plus à risque de devenir obèses à l’âge de 10 ans que ceux nés de mères ayant un niveau de scolarité plus élevé; chez les enfants canadiens, l’augmentation du risque était de l’ordre de 1,5 fois. Toutefois, compte tenu de la répartition des statuts socioéconomiques dans la population, les enfants canadiens défavorisés présentaient un risque absolu plus élevé d’être en surpoids ou obèses à l’âge de 10 ans comparativement aux enfants québécois défavorisés. En effet, le risque absolu s’est avéré deux fois plus élevé chez les enfants canadiens que chez les enfants québécois.
Afin d’élucider ce phénomène et de répondre aux autres interrogations que suscitent les données recueillies, les chercheurs ont examiné les politiques sociales en vigueur dans les différentes provinces. Au Québec, les généreux programmes de congés parentaux payés, les taux d’emploi élevés chez les femmes, l’existence de garderies subventionnées et les faibles niveaux de pauvreté peuvent avoir influé sur les résultats, selon la Pre McGrath.
Des données harmonisées pour une meilleure compréhension
« Le groupe de collaboration EPOCH s’est lancé dans un projet ambitieux visant à comparer des cohortes d’enfants nés dans différents pays », ajoute le Pr White. C’est une tâche difficile que de coordonner un projet d’envergure internationale, mais cette démarche a mené à des découvertes intéressantes. La recherche menée par le groupe EPOCH s’est particulièrement démarquée parce qu’elle a harmonisé la définition des variables socioéconomiques et utilisé des statistiques identiques pour toutes les cohortes. »
Selon le Pr White, cette recherche se distingue des autres études ayant comparé des pays sur le plan des iniquités en santé, car celles-ci tentent d’interpréter des données tirées de diverses études ayant appliqué des définitions différentes.
« Notre étude montre que les inégalités en matière de surpoids et d’obésité chez les enfants varient selon les pays, et ce, même après harmonisation des données. Cette nuance est importante, car elle indique que les disparités en matière de santé observées chez les enfants varient selon les politiques des pays et ne peuvent s’expliquer uniquement par des différences sur le plan méthodologique, souligne le Pr White. Elle indique aussi clairement qu’un pays peut, à l’instar des Pays-Bas, réussir à réduire la prévalence de l’obésité malgré ses niveaux élevés d’inégalité sociale. Ces résultats donnent à penser qu’une lutte efficace contre l’obésité chez les enfants issus de milieux sociaux défavorisés pourrait exiger des politiques ciblées autres que celles destinées à l’ensemble de la population. »
La Pre McGrath, titulaire de la chaire de recherche du Centre PERFORM en santé préventive chez l’enfant et en science des données, est également cofondatrice du projet EPOCH.
« Nous avons étudié un ensemble de résultats liés à la santé pour établir comment le milieu socioéconomique et les iniquités qui en découlent influent sur la santé d’un enfant durant ses premières années de vie, indique-t-elle. Si nous parvenons à cerner les trajectoires menant à l’émergence d’inégalités socioéconomiques dès la petite enfance, nous pourrons ensuite déterminer où, quand et comment mettre en place des politiques et des programmes qui permettront d’optimiser la santé et le mieux-être des enfants et d’éviter l’accroissement d’inégalités en santé. »
Cette étude a été en partie financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.:
Découvrez l’article cité (en anglais seulement) : « Household income and maternal education in early childhood and risk of overweight and obesity in late childhood: Findings from seven birth cohort studies in six high-income countries. »