Incongruité, performativité et quotidienneté
Selon Mme Aidi, les humoristes de confession musulmane ont souvent recours à trois principes de la comédie pour déboulonner les idées reçues sur leur communauté : l’incongruité, la performativité et la quotidienneté. Pour ses recherches, elle a analysé les spectacles de plusieurs humoristes musulmans de renom, dont Preacher Moss, Mo Amer, Dean Obeidallah, Tissa Hami et Shazia Mirza. Les deux dernières sont des femmes qui intègrent le voile et le hidjab à leur numéro.
L’incongruité, écrit Mme Aidi, souligne l’absurdité ou le caractère déplacé des idées reçues. Elle suscite la sympathie envers l’humoriste, mais aussi envers l’objet de la blague et demande au public une connaissance des contextes culturels. « L’incongruité ramène les gens sur terre, dans l’espoir qu’ils réalisent à quel point ils sont ridicules. »
La performativité désigne le fait de répéter le même acte assez souvent pour qu’il devienne normal et accepté. Fondée sur la théorie du genre de Judith Butler, la performativité sert, en particulier chez les humoristes musulmanes, à se moquer de la croyance selon laquelle toutes les musulmanes ont l’obligation de se voiler et sont soumises aux hommes, par exemple. « Le fait que ces femmes portent le voile dans les cabarets d’humour, où l’on sert de l’alcool, révèle l’absurdité du stéréotype », explique Mme Aidi.
Le troisième principe, soit la quotidienneté, veut que « la majeure partie du numéro porte sur les actes et les expériences du quotidien. En racontant leurs expériences personnelles, les humoristes peuvent trouver des points communs avec la majorité des membres du public, qui comprennent alors ce que l’artiste essaie de leur communiquer », ajoute-t-elle.
Divertir tous les types d’auditoires
Selon Mme Aidi, les similitudes entre le style des humoristes musulmans et celui des monologuistes afro-américains sont évidentes. Tous deux tentent de sensibiliser le public à la discrimination et aux malentendus et, comme Richard Pryor et d’autres après lui l’ont démontré, intègrent leurs propres communautés dans leurs numéros. À l’heure actuelle, les humoristes noirs sont les plus populaires au monde, et Mme Aidi croit que la culture musulmane peut aussi espérer avoir un jour la cote auprès du grand public.
« Les humoristes américains de confession musulmane combinent leurs techniques afin que leurs numéros résonnent auprès des musulmans et des non-musulmans, observe-t-elle. Ils s’adressent aux musulmans pour leur témoigner leur solidarité et leur dire qu’ils ont aussi l’impression qu’on généralise à leur sujet. Parallèlement, ils tendent la main aux non-musulmans pour leur dire qu’ils comprennent leurs craintes après le 11 septembre, mais profitent de l’occasion pour leur expliquer ce que cela signifie d’être musulman dans ce contexte. »
Lire l’article cité : « Muslim Stand-Up Comedy in the US and the UK: Incongruity, Everydayness, and Performativity »