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Peu d’employés du secteur public sont en mesure de contribuer substantiellement à l’atteinte d’objectifs de durabilité, révèle une nouvelle étude

Selon Alexander Yuriev, une combinaison de facteurs – notamment l’inertie institutionnelle – fait obstacle à l’innovation favorable à l’environnement.
26 mai 2021
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A green, a red and a yellow waste bin outside
Photo par Nareeta Martin via Unsplash

Le Québec compte parmi les rares collectivités publiques ayant légiféré en matière de durabilité. De fait, en 2006, le gouvernement libéral de Jean Charest a adopté la Loi sur le développement durable. Il a ainsi conçu un cadre d’application que les organismes publics québécois doivent respecter en vue de mieux intégrer les pratiques de durabilité à leurs activités. Il s’agit par exemple d’élaborer des plans de développement durable dotés d’objectifs précis, de présenter des rapports de gestion annuels et de susciter l’engagement des employées et employés du secteur public à l’égard des pratiques durables.

Toutefois, une nouvelle étude de l’Université Concordia montre le caractère fluctuant de la mise en œuvre des pratiques associées au développement durable dans des dizaines d’organismes publics assujettis à la loi précitée, et ce, des plus importants ministères aux plus petits tribunaux locaux. Selon Alexander Yuriev, titulaire d’un poste à durée déterminée de professeur adjoint de management à l’École de gestion John-Molson et auteur principal de l’étude, si certains organismes adoptent avec enthousiasme les innovations en matière de durabilité que suggèrent les membres de leur personnel, de nombreux autres ignorent, écartent ou écoutent à peine de telles suggestions.

Publiée dans Public Management Review, l’étude s’appuie sur une série d’interviews menées anonymement auprès de 33 responsables du développement durable. Ces derniers occupent un poste dans l’un ou l’autre de 25 organismes gouvernementaux, soit 11 ministères et 14 sociétés d’État, où travaillent plus de 60 pour cent des employées et employés du secteur public québécois.

Olivier Boiral, professeur titulaire à l’Université Laval et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur l’internalisation du développement durable et la responsabilisation des organisations, et David Talbot, professeur agrégé à l’École nationale d’administration publique, ont collaboré à la rédaction de l’étude.

Man in blue jacket standing by a tree-lined road « La plupart des responsables du développement durable avaient de bonnes intentions et savaient ce qu’ils faisaient, affirme Alexander Yuriev. Mais ils ont constaté qu’ils ne parvenaient pas à imposer leurs idées. »

Une démarche ascendante… mais pas trop

« Nous avons constaté que, compte tenu des dispositions de la loi, des administrations parmi les plus importantes emploient des responsables du développement durable alors que de petits organismes n’en ont pas parce qu’ils manquent de ressources », explique le Pr Yuriev.

« Dans certains cas, une personne est simplement chargée de remplir des formulaires et de rédiger des rapports, poursuit-il. Si les exigences de la loi sont techniquement satisfaites, il ne se fait pour ainsi dire rien de nouveau. »

Le succès des initiatives liées à la durabilité dépend en grande partie des innovations proposées à titre individuel par les membres du personnel des organismes publics. Ainsi, chaque administration peut développer sa propre approche en matière de développement durable et l’adapter en fonction de son mandat et de ses ressources. Par exemple, une aluminerie et un ministère privilégieront des démarches différentes à cet égard.

Les chercheurs ont défini trois types de facteurs ayant une incidence sur l’innovation proactive suscitée par le personnel : individuel, organisationnel et propre au secteur public. Tous trois comportent des éléments permettant de vérifier si la mise en œuvre par un organisme d’innovations en matière de durabilité ne se limite pas seulement à l’adoption de mesures symboliques. D’après le Pr Yuriev, à peine six des 25 organismes sondés avaient pris des actions concrètes, substantielles, engageant les membres de leur personnel et reprenant l’esprit de la Loi sur le développement durable.

La plupart du temps, les employées et employés déployaient pourtant beaucoup d’efforts en ce sens. Pour le Pr Yuriev, une combinaison de facteurs – allant de la culture interne à la structure hiérarchique, en passant par les visées politiques et la pénurie de ressources – entravait souvent la réalisation de toute initiative d’importance menée par le personnel.

« La plupart des responsables du développement durable que nous avons interviewés avaient de bonnes intentions et savaient ce qu’ils faisaient, affirme-t-il. Mais ils ont constaté qu’ils ne parvenaient pas à imposer leurs idées. Leur élan était fréquemment stoppé à l’un ou l’autre des échelons hiérarchiques supérieurs, au niveau de la haute direction. »

Le Pr Yuriev fait remarquer que les innovations importantes ont bien plus de chances de se concrétiser dans les organismes dont le mandat est axé sur la durabilité.

Développer une culture de croissance.

Selon le Pr Yuriev, le libellé de la loi est en partie responsable de cet état de fait. En effet, il suppose la lourdeur bureaucratique, l’obligation de remplir plusieurs formulaires chronophages et, souvent, l’imprécision des critères d’évaluation des programmes en place. Dès lors, des organismes peuvent n’adopter que des mesures superficielles et néanmoins prétendre se conformer à la loi.

« Il est crucial que la culture organisationnelle valorise l’innovation sur le plan du développement durable, précise le Pr Yuriev. Il est toutefois ardu de développer une telle culture. L’établissement d’une série d’objectifs concrets, remplacés dès leur atteinte par des buts plus ambitieux, contribuerait assurément à donner aux membres du personnel d’un organisme une impression d’authenticité et d’engagement en matière de durabilité. »

Lisez l’article cité (en anglais seulement) : Is there a place for employee-driven pro-environmental innovations? The case of public organizations.



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