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L’épuisement des eaux souterraines en Iran atteint des proportions critiques, préviennent des chercheurs de Concordia

Selon Ali Nazemi et Samaneh Ashraf, les pays comme le Canada ont des leçons à tirer à l’égard de la surexploitation désastreuse que fait l’Iran de ses aquifères
18 mai 2021
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Cityscape of Tehran
Photo par Amin Hosseinzadeh FARDNIA via unsplash.com

Plus des trois quarts du territoire iranien sont assujettis à une surexploitation extrême des eaux souterraines, le taux d’utilisation par l’humain y étant supérieur au rythme de la recharge naturelle. C’est ce que révèle une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université Concordia, dont le compte rendu a été publié récemment dans la section Scientific Reports de la revue Nature.

Samaneh Ashraf, ancienne chercheuse boursière postdoctorale Horizon maintenant affiliée à l’Université de Montréal, et Ali Nazemi, professeur agrégé au Département de génie du bâtiment, civil et environnemental, ont cosigné l’article en collaboration avec Amir AghaKouchak de l’Université de la Californie à Irvine.

Les chercheurs mentionnent que la gestion déficiente des aquifères par les autorités iraniennes exacerbe la pression qu’exerce déjà une industrie agricole inefficace sur la ressource dans les régions semi-arides du pays. Sans une action immédiate, soulignent-ils, l’Iran devra faire face à de multiples crises d’envergure nationale.

« La poursuite d’une gestion non durable des aquifères en Iran peut avoir des répercussions potentiellement irréversibles sur le territoire et l’environnement, jusqu’à menacer les ressources hydriques du pays, voire la sécurité alimentaire et socioéconomique de ses habitants », prévient Samaneh Ashraf.

Selon les auteurs, on estime à 74 km3 le volume d’eaux souterraines retiré des 500 bassins et sous-bassins du pays entre 2002 et 2015. Cet appauvrissement a contribué à la fois à l’augmentation de la salinité des sols et à l’affaissement du terrain. Parmi les régions les plus vulnérables au phénomène d’affaissement figure le Bassin du lac salé, qui englobe Téhéran, capitale de l’Iran, où habitent 15 millions de personnes et où le risque d’activité sismique intense est déjà élevé.

Samaneh Ashraf : « La poursuite d’une gestion non durable des aquifères en Iran peut avoir des répercussions potentiellement irréversibles sur le territoire et l’environnement. »

Le rôle sans équivoque de l’humain

Comme point de départ de leur étude, les chercheurs se sont servis de données rendues publiques par le ministère de l’Énergie de l’Iran.

« Nous cherchions d’abord à quantifier l’ampleur de l’épuisement des eaux souterraines en Iran, puis à établir les raisons de cet épuisement. Est-il imputable aux changements climatiques, à un manque dans la capacité de recharge naturelle ou à un prélèvement excessif et non viable des eaux? »

Après avoir examiné toutes les données à leur disposition, les chercheurs ont conclu qu’une forte demande agricole constituait la cause première de l’épuisement des eaux souterraines. L’Ouest, le Sud-Ouest et le Nord-Est de l’Iran, où l’on trouve les cultures les plus stratégiques, comme le blé, et l’orge, sont aussi celles où frappent les sécheresses les plus graves.

L’article mentionne que le nombre de puits recensés où l’on puise les eaux souterraines devant servir à l’agriculture a presque doublé en quinze ans, passant de 460 000 environ en 2002 à près de 794 000 en 2015. Or, le prélèvement d’eau d’origine anthropique a diminué dans 25 des 30 bassins du pays durant la même période, ce qui porte à penser que les aquifères sont surexploités par l’activité humaine.

Les chercheurs se sont par ailleurs intéressés à la conductivité électrique comme indicateur pour mesurer le degré de salinité des sols à l’échelle du pays et ont constaté que celui-ci augmentait également.

Ali Nazemi

L’urgence d’agir

Les sanctions internationales, la corruption locale et la méfiance générale de la population à l’égard des autorités, entre autres, font en sorte que les instances gouvernementales, tant locales que nationales, sont mal outillées pour s’attaquer à cette crise grandissante, ce qui ajoute au problème. Les auteurs affirment toutefois que le pays a urgemment besoin de solutions à court et à long terme.

« Dans l’immédiat, les puits non recensés doivent être fermés », souligne Ali Nazemi. « Mais à plus long terme, l’Iran a manifestement besoin d’une révolution agricole. Or, une telle démarche nécessite la mise en place d’un certain nombre de mesures, dont l’amélioration des pratiques en matière d’irrigation et l’adoption de modes de culture adaptés à l’environnement du pays. »

Bien que l’Iran soit particulièrement vulnérable en raison de son environnement naturel, sa population grandissante et sa gouvernance inefficace, les autres pays, dont le Canada, ont des leçons à tirer à cet égard, prévient Ali Nazemi.

« L’exemple de l’Iran démontre clairement que nous devons être prudents quant à la manière dont nous gérons l’eau, car une seule mauvaise décision peut entraîner un énorme effet domino.

Qui plus est, il est facile de perdre le contrôle si on ne fait rien pour régler le problème », ajoute-t-il. « Cela illustre aussi l’importance de la justice et de la protection environnementales. Ces aspects sont encore plus importants dans le contexte du changement climatique. »

Originaires de l’Iran, les trois auteurs ont dédié leur article au peuple iranien.

L’étude a été réalisée grâce au soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada.

Lisez l’étude citée (en anglais seulement) : Anthropogenic drought dominates groundwater depletion in Iran.



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