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Jamilah Dei-Sharpe de l’Université Concordia inaugure une base de données sur les vidéos éducatives et le matériel d’apprentissage antiracistes

Le projet de la doctorante en sociologie met en évidence « le manque de ressources éducatives numériques, facilement accessibles, axées sur la lutte contre le racisme systémique et la discrimination » dans les écoles secondaires, les cégeps et les universités
19 avril 2021
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« L’expertise relève de l’expérience vécue, affirme Jamilah Dei-Sharpe. Il ne suffit pas d’œuvrer dix ans dans le même domaine pour l’acquérir. »  | © Concordia University, photo par Lisa Graves
« L’expertise relève de l’expérience vécue, affirme Jamilah Dei-Sharpe. Il ne suffit pas d’œuvrer dix ans dans le même domaine pour l’acquérir. » | © Concordia, photo : Lisa Graves

Titulaire depuis 2019 d’une maîtrise ès arts et maintenant doctorante à l’Université Concordia, Jamilah Dei-Sharpe propose, sur un nouveau portail Internet, des vidéos et du matériel d’apprentissage axés sur la lutte contre le racisme, la décolonisation et la justice sociale, et ce, pour utilisation en classe.

Ce projet pédagogique de vidéos antiracistes s’articule autour de causeries préenregistrées prononcées par des étudiantes, des étudiants et des membres du corps professoral de Concordia ainsi que par des activistes et des organisatrices et organisateurs communautaires montréalais qui se consacrent à la justice sociale. Non seulement l’initiative s’inscrit dans la foulée du mouvement La vie des Noir.e.s compte, mais elle aborde les questions du racisme persistant contre les personnes noires et l’obligation soudaine pour les enseignantes et enseignants de donner leurs cours en ligne à la suite de la pandémie de COVID-19.

« Nous avons vraiment pris conscience des lacunes de notre système d’éducation, explique Jamilah Dei-Sharpe. L’accès au matériel portant sur la justice sociale, la décolonisation et la lutte contre le racisme est restreint. Dans ce contexte, il existe peu d’outils qui recommandent aux gens des mesures proactives – principalement la création de milieux d’apprentissage plus sécuritaires et plus inclusifs – pour remédier à la crise perpétuelle sévissant dans le domaine de l’enseignement supérieur. »

La doctorante en sociologie a participé tant à la fondation du Carrefour des perspectives et pratiques de décolonisation qu’à l’établissement d’un réseau national de diplômées et diplômés noirs. À deux reprises, soit en juillet et en septembre 2020, elle a reçu le prix d’assistanat d’enseignement Carolyn-et-Richard-Renaud pour sa contribution à l’avancement de la pédagogie.

L’idée d’une base de données vidéo est née à l’unité de recherche du Carrefour des perspectives et pratiques de décolonisation. Elle a d’abord été formulée à l’intention des professeures et professeurs de Concordia afin qu’ils présentent des vidéos dans le cadre de leurs cours. L’initiative permettait par ailleurs aux membres du corps professoral d’évacuer le stress lié à la planification d’une année universitaire entièrement virtuelle. Depuis, la base de données a été rendue accessible aux enseignantes et enseignants des cégeps et des écoles secondaires.

Les causeries portent sur plusieurs thèmes, du racisme contre les personnes noires dans les médias aux moyens de susciter l’empathie et la collaboration dans les salles de classe.

« L’Université a un rôle coopératif essentiel à jouer dans la création d’un monde où la question du racisme systémique est abordée efficacement », souligne Pascale Sicotte, doyenne de la Faculté des arts et des sciences de Concordia.

« En misant sur le savoir collectif que possèdent tant le milieu universitaire que la communauté élargie, Jamilah Dei-Sharpe contribue à l’édification d’un écosystème pédagogique vraiment dynamique, où sont amplifiées les voix antiracistes », poursuit-elle.

« Nous voulons susciter un engagement participatif »

« Certaines vidéos s’appliqueront davantage à un cours plutôt qu’à un autre : par exemple, une vidéo sur le racisme systémique dans la représentation des médias conviendrait fort bien à un cours d’études cinématographiques, indique Jamilah Dei-Sharpe. S’inspirant de cette vidéo, la professeure ou le professeur pourra consacrer une partie du cours à l’étude du travail des spécialistes du domaine, voire inviter ceux-ci à donner une conférence en classe sur la manière dont ils gèrent la crise ou sur les outils dont ils se servent. »

Selon elle, il s’agit d’affecter durablement une section du site Web de Concordia à l’apport constant de nouvelles vidéos sur des sujets comme la pédagogie décoloniale ou la lutte contre le racisme systémique et la discrimination. Chaque vidéo sera assortie d’une liste de ressources connexes, de sorte que les étudiantes, les étudiants et les membres du corps professoral disposeront de moyens d’action pour modifier aussi bien leurs habitudes que leurs modes de pensée.

De plus, comme les enseignantes et enseignants auront accès aux coordonnées des personnes interviewées, ils pourront les inviter à participer à une séance d’information en classe.

« Nous voulons susciter un engagement participatif, signale Jamilah Dei-Sharpe. Ainsi, après chaque causerie, les participantes et participants auront une vision claire de la situation. Ils pourront se dire : “voici ce que je peux faire dorénavant”, “voici comment changer ma façon de voir les choses ou d’acquérir des connaissances”, “voici comment conférer plus de diversité à mes cours” ou encore “voici où m’adresser pour approfondir mon savoir”. »

Kimberley Manning, professeure agrégée de science politique et directrice de l’Institut Simone-De Beauvoir, assure la supervision de l’initiative. Le projet pédagogique de vidéos antiracistes s’appuie notamment sur des points de vue qu’a obtenus la Pre Manning lors de collaborations antérieures avec des étudiantes et étudiants des cycles supérieurs. Il s’inspire ainsi des conclusions d’un projet sur l’activisme féministe critique en matière de recherche, récemment terminé. En définitive, la Pre Manning espère instaurer, de la base au sommet, le principe de l’équité organisationnelle, et ce, en suscitant et en récompensant l’engagement étudiant.

« Le but ultime de ce projet est de concevoir des structures visant à corriger les injustices raciales et à soutenir les travailleuses et les travailleurs qui se trouvent en première ligne dans la lutte contre le racisme, dit-elle. La base de données s’inscrit dans un objectif plus vaste : rendre les institutions plus réceptives à la vision de nos leaders étudiants. »

« L’expertise relève de l’expérience vécue »

La Pre Manning s’est employée à trouver, aux quatre coins de l’Université, des fonds pour mener à bien le projet. À ce jour, celui-ci a obtenu l’appui financier de la Faculté des arts et des sciences, de l’Institut Simone-De Beauvoir, des départements des Religions et cultures, de Sociologie et d’anthropologie et de Communication de même que du Centre d’appui à l’enseignement et à l’apprentissage et du Bureau de l’engagement communautaire.

Salué par la Fondation canadienne des relations raciales (FCRR), le projet bénéficie du reste du soutien non financier du Collège Loyola pour la diversité et la durabilité et du Studio des médias féministes – où Jamilah Dei-Sharpe filme les causeries tandis que la technicienne vidéo Simone Lucas en réalise le montage. Les fonds servent principalement à rétribuer les étudiantes et étudiants, les organisatrices et organisateurs communautaires ainsi que les activistes qui apportent leur expertise au projet.

Pour Andrea Clarke, directrice principale de l’engagement communautaire et de l’impact social au Vice-rectorat exécutif aux affaires académiques de Concordia, le projet – qui valorise le savoir issu de la communauté – représente parfaitement le type de travail percutant que privilégie le Bureau de l’engagement communautaire.

« Les organismes communautaires et les travailleuses et travailleurs sur le terrain ont une bonne connaissance de la situation, fait-elle remarquer. Par contre, cette expertise n’est pas toujours reconnue ou diffusée efficacement à l’Université. »

Elle poursuit : « C’est facile de dire : “j’ai parlé à des membres de la communauté, et voici ce qu’ils pensent”. Jamilah Dei-Sharpe s’assure plutôt que les voix de ses interlocutrices et interlocuteurs se font entendre et qu’ils ont conscience d’être des partenaires à part entière du projet. À mon avis, c’est une approche inédite. »

Selon Jamilah Dei-Sharpe, non seulement le projet fournit une ressource pédagogique, mais il favorise l’essor de l’éducation et le développement de la recherche à l’intention des étudiantes et étudiants. Recrutant actuellement une personne stagiaire qui acquerra une expérience en recherche dans le cadre de sa formation pratique, elle met tout en œuvre pour entrer en contact avec des étudiantes et étudiants – de Concordia et d’autres établissements d’enseignement montréalais – qui s’impliquent dans un travail de décolonisation ou de lutte contre le racisme ou qui y réfléchissent. Du reste, leurs travaux seront présentés sur la plateforme.

La doctorante insiste sur le fait que les étudiantes et étudiants n’ont pas à avoir un projet « clé en main » ou un article publié. « Ils peuvent simplement aborder les lacunes qu’ils décèlent dans le domaine de la pédagogie en ces temps de crise ou un thème auquel ils aimeraient sensibiliser un plus vaste auditoire », dit-elle.

« Généralement, on considère que les étudiantes et étudiants ne possèdent pas une expertise suffisante pour la communiquer au public ou dans le milieu universitaire, continue-t-elle. Nous voulons décoloniser la signification que l’on attribue à l’expertise. L’expertise relève de l’expérience vécue, l’expertise se développe au rythme des questions que posent les gens en vue de changer les choses. Il ne suffit pas d’œuvrer dix ans dans le même domaine pour l’acquérir. »


Découvrez comment inclure dans vos cours le nouveau projet pédagogique de vidéos antiracistes de Concordia et comment exposer votre travail sur la plateforme.

 



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