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Des chercheurs de Concordia présentent des résultats étonnants sur ce que constitue une industrie « verte »

Daniel Horen Greenford et Damon Matthews examinent l’incidence environnementale du comportement des consommateurs dans divers secteurs
26 août 2020
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 Image d'une ville sur l'eau - bâtiments blancs, gris et roses en milieu urbain.
Daniel Horen Greenford : « Il y a toujours de l’espoir, rien n’est inévitable. Et, même si nous n’arrivons pas à tout réparer, plus nous en faisons, plus de vies pourraient se voir épargner une souffrance inadmissible. » | Photo : Lucy-ClaireUnsplash

Une nouvelle étude remet en question notre façon de travailler par rapport à notre mode de vie sur le plan de la durabilité.

« La croyance populaire veut que nous puissions faire croître notre économie sans augmenter les répercussions sur l’environnement en favorisant les secteurs dits “propres” ou “verts”, plutôt que les secteurs “polluants” », explique Daniel Horen Greenford (M. Sc. 2016), doctorant au Département de géographie, urbanisme et environnement.

C’est sous la direction de Damon Matthews, professeur et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia en climatologie et durabilité, au laboratoire Matthews sur le climat, que M. Horen Greenford a mené ses travaux de recherche. Le doctorant a procédé à un examen global des industries que nous considérons normalement comme ayant une incidence moindre sur l’environnement – par exemple, le secteur du logiciel – par opposition à d’autres industries estimées plus polluantes, comme la construction automobile.

« L’idée qu’on se fait communément de ces industries est exacte si l’on tient compte de l’impact direct de leurs activités », fait-il remarquer. « Toutefois, cette perspective est trop étroite pour nous permettre de répondre à la question suivante : “Le fait d’orienter l’activité économique et l’emploi vers les services peut-il contribuer à réduire le fardeau environnemental?” ».

« En effet, ce point de vue ne tient pas compte des répercussions imputables à la consommation des ménages dont les membres travaillent dans les secteurs prétendument à faible incidence environnementale ».

M. Horen Greenford et son collègue, Tim Crownshaw, mentionnent que, très tôt, ils ont su qu’il faudrait adopter une perspective globale afin de tenir compte des effets en cascade de la « tertiarisation » – terme technique employé pour désigner la transition économique de l’industrie lourde et extractive vers une activité plus axée sur les services.

 Souriant jeune homme à lunettes et une chemise blanche. Daniel Horen Greenford

La consommation en corrélation avec le revenu

« Nous avons posé comme hypothèse que les industries à salaires élevés, mais à faible impact sur le terrain, entraîneraient des répercussions considérablement plus lourdes lorsqu’on tient compte de la consommation des ménages de leurs employés. Dans un même ordre d’idées, nous nous attendions à ce que les industries ayant un impact direct important, mais offrant des salaires plus modestes, aient des répercussions plus faibles », explique M. Horen Greenford.

Il ajoute que la consommation des habitants est plus que jamais en corrélation avec leur revenu. « Nous avons déjà remarqué que les gens consomment proportionnellement à leur degré de richesse, alors que les valeurs qu’ils prônent, comme le respect de l’environnement, n’ont réellement qu’un faible impact sur leur consommation et leur impact environnemental. »

Des études antérieures, notamment celle d’Oxfam International, ont montré à quel point les inégalités entre les revenus et les émissions de CO2 se reflètent. On y découvre que la consommation des 10 % des habitants de la planète les plus riches représente 45 % des émissions de gaz à effet de serre, et que les 1 % des plus riches ont une empreinte carbone encore plus disproportionnée.

Le Canada compte près de 350 000 habitants faisant partie des 1 % les plus émetteurs, et se place cinquième en ce qui a trait aux émissions par habitant des 1 % les plus riches.

« Ces personnes gagnent en moyenne plus de 420 000 $ par an et émettent plus de 200 tonnes en équivalent de dioxyde de carbone annuellement; cela représente près de dix fois la moyenne des Canadiens, et de 20 à 30 fois la moyenne des plus pauvres », note M. Horen Greenford.

Jeune homme aux longs cheveux bruns attachés en queue de cheval basse et avec des lunettes à monture noire. Damon Matthews

Examen de l’incidence nette sur l’environnement

M. Matthews, qui avait vu M. Horen Greenford présenter les premiers résultats de sa recherche en collaboration avec son collègue M. Crownshaw il y a quelques années, a immédiatement reconnu que ces travaux pouvaient donner lieu à un article important.

« Il s’agit là d’un nouvel angle sous lequel nous commençons à explorer le climat dans notre laboratoire », souligne le professeur Matthews. « Cette façon de voir les choses jette une autre lumière sur notre manière de comprendre la responsabilité sociale de différents acteurs en matière de dommages climatiques et environnementaux. »

L’article en question a été publié dans la revue Environmental Research Letters en juin.

« Nous avions déjà examiné certaines questions entourant la responsabilité de différents pays en matière de changement climatique », poursuit-il. « Or, nous sommes toujours arrivés à la même conclusion : les pays plus riches ont une incidence disproportionnellement élevée sur les émissions de CO2 et le changement climatique ».

« Dans un sens, le présent article révèle que les secteurs économiques “plus riches” ont une incidence similaire sur l’environnement. Pour saisir toute l’ampleur des répercussions qu’occasionnent ces secteurs, il faut tenir compte du niveau de richesse de la main-d’œuvre dans le calcul ».

Que pouvons-nous faire?

Alors, que peuvent faire les gens pour diminuer leur impact sur l’environnement? Selon M. Horen Greenford, c’est maintenant que nous devons agir; or, les choix personnels sont loin de refléter l’action collective nécessaire.

« Simplement dit, une personne, si elle est vigilante, peut en faire beaucoup à titre individuel pour diminuer son impact sur l’environnement », souligne-t-il. « Au bout du compte, toutefois, la somme des choix individuels des consommateurs ne sera probablement pas suffisante pour réduire cette incidence au point de pouvoir éviter la catastrophe écologique et climatique. »

Plutôt, le doctorant propose aux gens de mener des actions citoyennes – par exemple, se regrouper avec des personnes partageant la même opinion pour chercher des solutions à la crise climatique ou pour sensibiliser la population. De petits gestes, comme écrire à leur député, seraient aussi un bon début.

« Il existe de nombreuses façons de s’impliquer », souligne-t-il. « Toute personne suffisamment privilégiée pour avoir le temps de réfléchir et de se préoccuper du phénomène ne doit pas rester sans rien faire à se sentir coupable, honteuse, inquiète ou isolée. Personne en particulier n’est à blâmer, et aucun individu n’a les moyens de s’attaquer par lui-même au problème. Il est important de ne pas s’enliser dans l’individualisme. »

« À mon avis, si l’on accepte d’examiner la situation à tête reposée, il est possible d’arriver à se faire une assez bonne idée du problème et de ses solutions. C’est seulement dans l’action que nous pourrons progresser. Il y a toujours de l’espoir. Et, même si nous n’arrivons pas à tout réparer, plus nous en faisons, plus de vies pourraient se voir épargner une souffrance inadmissible », conclut-il.


Lisez l’étude citée : Shifting economic activity to services has limited potential to reduce global environmental impacts due to the household consumption of labour.

 



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