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Une chercheuse de Concordia souligne l’importance de peser ses mots quand on parle de poids

Angela Alberga émet des critiques au sujet d’un rapport du Sénat canadien sur l’obésité contenant une terminologie inconsidérée et potentiellement néfaste
11 septembre 2018
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Par Patrick Lejtenyi


Les mots ont une portée, affirme Angela Alberga. Qu’ils soient prononcés par des amis, des membres de la famille, un collègue étudiant, un pair respecté ou le gouvernement fédéral, les mots peuvent faire du bien ou du mal à la personne concernée.

C’est pourquoi la professeure adjointe du Département de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée de l’Université Concordia estime que le rapport L’obésité au Canada : Une approche pansociétale pour un Canada en meilleure santé, publié par le Sénat canadien en 2016, soulève autant de problèmes. Elle ne doute pas que la rédaction du rapport repose sur la meilleure des intentions, mais considère néanmoins que la terminologie employée est inappropriée, si bien que les personnes aux prises avec l’obésité ont peut-être eu l’impression d’être pointées du doigt et ridiculisées.

Dans le cadre d’un examen critique du rapport publié dans le Journal of Obesity en juillet dernier, Mme Alberga et ses coauteures de l’Université de Calgary exhortaient le gouvernement à porter une plus grande attention aux termes et aux exemples qu’il utilisera dans ses prochains rapports sur l’obésité, et à intégrer le point de vue des personnes obèses dans son contenu.

« Nous avons eu l’impression qu’il manquait beaucoup de choses dans ce rapport, indique-t-elle. Que celui-ci ne tenait pas compte des travaux de recherche actuels en la matière. »

Elle soutient que le rapport mettait trop l’accent sur la capacité des personnes aux prises avec l’obésité à adopter de meilleures habitudes de vie et qu’il minimisait ou faisait abstraction des déterminants sociaux de la santé échappant au contrôle de la personne. Ces déterminants sociaux sont principalement définis par les conditions de vie, de travail, d’apprentissage et de socialisation et par le milieu familial, le revenu, le niveau de scolarité, l’origine raciale et ethnique, et d’autres facteurs. Ce sont des éléments fondamentaux qui devraient être pris en compte dans les discussions sur des sujets délicats comme les causes de l’obésité.

« La gestion du poids et l’obésité sont complexes, explique la Pre Alberga, nouvellement lauréate d’une bourse de recherche de l’Université Concordia. Quand nous simplifions la gestion du poids à l’extrême en disant qu’il suffit de suivre un régime et de faire de l’exercice, nous rejetons une trop grande part de la faute sur la personne, ce qui suscite les reproches et la honte. Nous en oublions l’importance des déterminants sociaux de la santé à la naissance et le fait qu’ils ne relèvent aucunement de la personne. »

Culpabiliser et humilier les personnes en raison de leur poids fait désormais partie de notre bagage culturel. Même si on l’associe le plus souvent aux taquineries d’enfants et aux images projetées dans les médias, Angela Alberga estime que cette forme de condamnation peut aussi être véhiculée par les professionnels de la santé et les responsables des politiques.

Elle peut donner une légitimité gouvernementale à la stigmatisation ou au biaisement relatif au poids. Les personnes qui ont un corps plus volumineux sont la cible d’attitudes, de préjugés et de comportements blessants, déplore la Pre Alberga. On suppose que la personne est paresseuse, pas très intelligente, inapte à réussir sur le plan professionnel ou que son hygiène est douteuse, qu’elle est peu attirante, voire peu sympathique ou fiable de manière générale.

En ce qui concerne le rapport du Sénat, Mme Alberga ajoute que l’emploi de formulations inutilement agressives – elle mentionne le recours à des expressions telles que « lutte contre l’obésité » et « s’attaquer à ce problème grave » – renforce la perception selon laquelle les personnes aux prises avec l’obésité constituent en quelque sorte un problème à régler.

« Mettez-vous à la place de la personne obèse qui lit un rapport dans lequel l’auteur indique vouloir livrer un combat contre elle ou son état », explique-t-elle. Cette façon de s’exprimer peut exacerber les sentiments de honte et de peur. Elle peut empêcher la personne d’adopter des comportements susceptibles de l’aider, comme consulter un professionnel de la santé ou aller au centre de conditionnement physique, par crainte d’être traitée irrespectueusement en raison d’un préjugé lié au poids.

Selon Angela Alberga, les prochains rapports et documents sur l’obésité doivent faire preuve d’une plus grande délicatesse et d’un plus grand respect à bien des égards. Ils doivent examiner la question des déterminants de la santé au lieu de tenir les gens responsables de leur état. La terminologie employée doit être moins hostile, et les personnes aux prises avec l’obésité doivent être consultées avant la publication.

« Nous devons parler de santé et des façons de promouvoir des comportements sains, au lieu de simplifier exagérément la question et de ne parler que de poids », poursuit-elle. Les politiques gouvernementales doivent être davantage axées sur la promotion et la mise en place de milieux qui favorisent de saines habitudes de vie, et non pas rejeter la faute sur la personne afin qu’elle adopte un mode de vie plus sain.

« Nous pouvons tous être en meilleure santé, manger moins d’aliments transformés et davantage de fruits et de légumes, améliorer nos habitudes de sommeil et adopter des comportements moins sédentaires en faisant plus d’activité physique, conclut-elle. Mais il faut éviter de mettre l’accent sur le poids corporel. »

Relations médias

Patrick Lejtenyi
Conseiller Affaires publiques 
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