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À la découverte du paysage médiatique canadien au nord du 60e parallèle

À la veille de la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin, la professeure de Concordia Lorna Roth examine quatre décennies de résistance et de persistance
20 juin 2018
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Par Patrick Lejtenyi


Image : Isuma.tv Image : Isuma.tv


Au fil des plus de 40 ans où le gouvernement fédéral canadien a exercé son influence sur les communications de masse dans le Grand Nord, les voix nordiques ont souvent eu beaucoup de mal à se faire entendre.

Pourtant, même si les communautés autochtones n’ont généralement pas accès à la technologie et aux ressources dont disposent les créateurs culturels du sud canadien, elles ont pu créer leur propre paysage médiatique selon une approche ascendante plutôt que descendante.

Dans un article publié ce printemps par la revue Development In Practice, Lorna Roth, une professeure du Département de communication de l’Université Concordia récemment retraitée, examine cette lutte et propose des mesures qui pourraient renforcer les voix autochtones nordiques.

La Pre Roth souligne qu’Ottawa n’a sérieusement envisagé d’améliorer les communications entre le nord et le sud qu’à la fin des années 1960, et ce, principalement sur l’insistance d’intérêts commerciaux ou voués à l’extraction des ressources.

En 1972, Telesat a lancé le premier satellite canadien de communications domestiques, Anik A1, et le gouvernement fédéral a commencé à relier les communautés nordiques à l’aide d’antennes paraboliques.

« Mais certaines personnes dans l’Arctique et le Nord-du-Québec ne voulaient pas d’une télévision nationale avant d’avoir une télévision locale », affirme la chercheuse.

« Elles voulaient que leurs voix soient entendues et que leur culture soit reflétée avant qu’une culture nationale ne leur soit imposée. C’était une question de promotion de l’identité, et elles ont persisté dans leurs opinions. »

Comme les peuples autochtones nordiques ne représentaient qu’une petite proportion de la population totale, leur fournir l’infrastructure nécessaire n’était pas une priorité absolue pour Ottawa.

Il a fallu des années de résistance et de persistance de la part des peuples autochtones – qui achetaient par exemple leurs propres antennes paraboliques afin d’accéder à du contenu non autorisé par les autorités canadiennes ou le CRTC – avant qu’Ottawa ne fléchisse. En 1981, le gouvernement fédéral a entrepris de développer l’infrastructure nécessaire pour que les communautés nordiques puissent concevoir leur propre programmation.

L’arrivée de l’ère d’Internet comportait toutefois ses propres défis. En effet, puisque l’accès à Internet n’est toujours pas considéré comme un service universel ou une norme légale comme le téléphone, la radio ou la télévision, la connectivité Internet demeure problématique dans de nombreuses régions nordiques hors des grands centres urbains.

Tandis que l’on consomme plus de médias en ligne que jamais, la structure d’Internet au Canada demeure dans l’ensemble privée, ce qui constitue un obstacle considérable à l’accès selon la Pre Roth.

« Personne n’allait investir dans l’infrastructure pour une petite communauté qui ne générerait pas de profits, et le fédéral n’allait pas la financer comme un service public, car c’était trop coûteux », ajoute-t-elle.

« La balle est donc passée dans le camp du secteur privé, qui s’est dit qu’il n’allait pas faire assez d’argent. »


Le contenu va de l’avant

Des efforts sont en cours afin d’augmenter l’accès à Internet dans le nord du Canada, mais les communautés n’ont pas attendu pour produire une programmation de haute qualité.

Lorna Roth mentionne que les initiatives comme Isuma.tv, un site Web qui héberge du contenu réalisé par des créateurs autochtones de partout dans le monde, vont bon train, même si le contenu en question est beaucoup plus facile à regarder pour le public du sud que pour celui du nord.

Elle ajoute que les communautés autochtones contournent ce problème en téléversant le contenu d’Isuma.tv sur des serveurs locaux accessibles à la collectivité.

La Pre Roth estime que pour les communautés autochtones, le développement des communications de masse dans le nord est une histoire de résistance au contrôle externe des communications et de persistance à faire entendre leurs voix.

Si les deux approches peuvent être appropriées, la chercheuse explique que « la résistance est limitée, car elle place le pouvoir entre les mains de ceux qui définissent les paramètres de ce qui peut ou ne peut pas être fait. Lorsque vous vivez dans une communauté où vous tenez à avoir voix équitable au chapitre, vous devez résister aux autorités et créer une opposition suffisamment persistante pour que vos opinions pénètrent enfin le courant dominant. »

La Pre Roth espère que les communautés autochtones et les autorités canadiennes pourront parvenir à une solution amiable au défi à long terme de l’inclusivité nordique.

Elle croit qu’il serait utile pour les deux parties d’adopter ce qu’elle appelle l’« esthétique diplomatique », soit la prise en compte du contexte culturel dans lequel une idée est reçue.

« Il s’agit d’un mode de communication intelligent, prévenant, basé sur la confiance et sur le respect, où l’on revêt l’aura émotionnelle de la personne ou du groupe avec qui l’on communique. Et ça marche », conclut-elle.


Lisez l’article publié : « Co-movement revisited: reflections on four decades of media transformation in Canadian Indigenous communities ».
 

Relations médias

Patrick Lejtenyi
Conseiller
Affaires publiques
514 848-2424, poste 5068
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