Les neurones devront peut-être bientôt partager la vedette sur la scène neuroscientifique.
En effet, un nouveau domaine de recherche prometteur pourrait mener à la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement des troubles psychiatriques.
Il s’intéresse à la névroglie, terme qui désigne un groupe de types de cellules non neuronales présentes dans les systèmes nerveux central et périphérique. On appelle également cet ensemble « glie », ou « cellules gliales ».
« Les cellules gliales ont longtemps été laissées pour compte », explique Mari Sild, boursière postdoctorale Horizon au Centre de recherche clinique en santé du Département de psychologie de l’Université Concordia.
« On a longtemps cru que les neurones étaient les seules responsables des fonctions importantes, et que la névroglie n’était qu’une colle ou un ciment cantonné à un rôle de soutien dans le cerveau. Or, la découverte d’indices d’une implication des cellules gliales dans la maladie psychiatrique a eu pour effet d’ouvrir de nouvelles avenues de recherche qui pourraient mener à divers traitements, diagnostics et méthodes de surveillance des troubles mentaux. »
Colliger des résultats et garder à l’œil la névroglie
Mme Sild a mené à bien une revue de la littérature actuelle qui fait ressortir le rôle de la glie du système nerveux central (SNC) dans le trouble dépressif majeur (TDM) et les troubles anxieux. Un compte rendu de ses travaux, qu’elle a rédigé en collaboration avec sa conseillère aux études postdoctorales Linda Booij, professeure agrégée au Centre de recherche clinique en santé, et Ed Ruthazer, son directeur de thèse à l’Université McGill, a été publié en décembre dernier dans la revue Neuroscience and Biobehavioral Reviews.
Pendant six mois, Mari Sild a passé au peigne fin 1 237 études portant sur la névroglie.
Outre cette revue exhaustive sur le rôle de la glie dans le TDM et les troubles anxieux, la chercheuse a examiné des sujets qui n’avaient pas été suffisamment explorés auparavant, tels que la réponse des cellules gliales aux traitements non pharmacologiques; l’incidence, sur la glie, des traumas survenus tôt dans la vie et des facteurs liés au mode de vie; ainsi que les moyens de surveillance des cellules gliales chez l’humain vivant.
« Une foule d’études corroborent l’hypothèse selon laquelle le TDM, les troubles anxieux et le stress chronique (utilisé pour induire des états semblables au TDM dans des modèles animaux) réduisent généralement le nombre de certaines cellules gliales, comme les astrocytes, les cellules NG2 et les oligodentrocytes dans le cerveau, ou en altèrent les fonctions de soutien neural », précise Mme Sild.
« Et dans de telles conditions, un autre type de glie susceptible d’avoir de plus fortes propriétés pro-inflammatoires, la microglie, pourrait proliférer et intensifier son activité pro-inflammatoire. »
Fait intéressant, ajoute-t-elle, les traitements pharmacologiques (comme les antidépresseurs) et certains facteurs liés au mode de vie (comme l’exercice et l’exposition à un milieu stimulant) favorisent la multiplication des astrocytes et des cellules NG2 ou augmentent leurs fonctions de soutien neural tout en restreignant de façon générale l’activité pro-inflammatoire de la microglie.
Dans leur article, les auteurs observent que les épreuves subies avant la naissance ou tôt dans la vie ont des conséquences sur la glie, entraînant la perte de cellules gliales et une intensification de l’état pro-inflammatoire. Ce lien pourrait expliquer en partie l’importance du stress précoce comme facteur de risque de survenue de troubles psychiatriques plus tard dans la vie.