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Que peuvent nous dire les poissons sur notre monde en constante évolution?

Quatre experts en biologie de Concordia explorent la question
30 janvier 2017
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Par Elisabeth Faure


« Les poissons nous apprennent que nous devons réduire notre rythme de changement environnemental », affirme Dylan Fraser. « Les poissons nous apprennent que nous devons réduire notre rythme de changement environnemental. »


Si vous êtes comme la plupart des gens, vous ne passez pas beaucoup de temps à vous demander ce qui préoccupe l’esprit des poissons. À l’inverse, quatre chercheurs du Département de biologie de Concordia se passionnent pour cette question et son implication pour la planète.


Dylan Fraser : « Comment les poissons s'adaptent-ils aux changements environnementaux induits par l'homme? »

À l’adolescence, la pêche a été une ancre dans ma vie. Je me suis passionné pour les poissons et leur habitat. En vieillissant, j’ai vu l’impact qu’avaient les activités humaines sur les milieux naturels que je chérissais tant, si bien que j’ai voulu faire quelque chose pour les poissons qui m’avaient tant apporté.

Mes étudiants et moi étudions les poissons à Terre-Neuve, au nord du Québec, au nord-est des États-Unis et dans plusieurs parcs nationaux de l’Ouest canadien. Nous avons appris que les poissons sont des animaux incroyablement résilients, capables de s’adapter à des modifications considérables de leur environnement et de préserver une grande diversité génétique même quand leurs populations sont réduites.

Pourtant, à bien des endroits, on continue d’observer leur déclin ou leur disparition. Avec l’aide d’Elizabeth Lawrence, une doctorante que je supervise, je cartographie actuellement la diversité des populations de poissons du continent américain dans le but d’améliorer l’efficacité des stratégies de conservation.

Au Canada, nous avons beaucoup de chance d’avoir autant de lacs et de rivières où le poisson abonde, mais nous devons trouver des moyens de mieux en prendre soin. Les poissons nous montrent que la nature peut s’adapter et poursuivre son chemin, à condition que le rythme de modification de l’environnement provoqué par les humains ralentisse.


Grant Brown : Comment les poissons-proies apprennent-ils à survivre?

J'ai toujours été intrigué par la complexité des décisions comportementales que les animaux doivent prendre pour éviter la détection et la capture par les prédateurs, tout en recherchant leur nourriture et en se reproduisant. Pour y parvenir, ils doivent disposer d’informations fiables sur leur environnement local, ce qui est de plus en plus difficile avec la variabilité de leur habitat.

Nous prévoyons que les incertitudes quant à la recherche de nourriture et aux risques de prédation, par exemple, aggraveront considérablement les conséquences d’une « mauvaise décision ». Mes étudiants et moi utilisons une combinaison d’expériences réalisées en laboratoire et sur le terrain pour évaluer le rôle des incertitudes écologiques sur les processus décisionnels relatifs au comportement des populations proies.

Récemment, nous avons démontré que les proies exposées à des risques de prédation élevés et changeants (incertains), ne serait-ce que pendant quelques jours, présenteront un évitement accru de tout nouveau stimulus (néophobie). Ainsi, l’expérience directe leur donne le temps d’adapter leur prise de décision comportementale. Pour moi, la chose la plus surprenante que nous ayons démontrée est l’incroyable faculté d’apprentissage des poissons-proies. 

Nous étudions actuellement la possibilité d’induire une néophobie aux saumons de l’Atlantique élevés en alevinier avant de les relâcher en milieu naturel, afin d’accroître le taux de survie après un empoissonnement. Nous avons démontré que, même relativement courtes, les périodes comportant un fort risque de prédation influencent considérablement sur la croissance du cerveau des poissons. La prochaine étape consiste à faire le lien entre ces changements et le comportement des proies.  
 

James Grant, Dylan Fraser, Pedro Peres-Neto, Grant Brown. | Photo by Ryan Blau James Grant, Dylan Fraser, Pedro Peres-Neto, Grant Brown. | Photo : Ryan Blau


James Grant : Comment rétablir les populations de poissons en anthropocène?

Je m’intéresse aux comportements des poissons sauvages depuis l’époque où mon père m’emmenait voir les meuniers noirs frayer dans la rivière qui coulait près de chez nous. C’était spectaculaire. Plus tard, dans le cadre de mon programme Honours, j’ai eu un formidable mentor qui a dirigé ma thèse et m’a fait faire mes premiers pas en recherche scientifique sur les poissons.

Mes étudiants et moi nous lançons dans de nouvelles expériences de terrain très intéressantes sur les dynamiques de population de l’omble de fontaine à Cap Race et Terre-Neuve, et sur le rempoissonnement en saumon de l’Atlantique des affluents du lac Champlain.

Mes recherches personnelles visent à synthétiser les données de la littérature afin de répondre à des questions plus larges sur l’écologie et la conservation des poissons. Notre dernière synthèse a démontré que la plupart des barrages du Canada ne sont pas dotés d’installations permettant la circulation des poissons, et que ceux qui en sont munis ne sont efficaces qu’à 50% pour laisser passer les poissons en amont. Autrement dit, les barrages subdivisent les populations de poissons en groupes plus petits, ce qui a pour effet de les isoler davantage et d’augmenter le risque d’extinction à l’échelle locale.

Quand on a, comme moi, la chance d’étudier les vertébrés sauvages, on constate avec tristesse que leur nombre baisse considérablement au cours de sa carrière. Le saumon de l’Atlantique a disparu des lacs Ontario et Champlain, et il est menacé dans les Maritimes. C’est pourquoi les écologistes qui travaillent sur les vertébrés finissent toujours par faire de la conservation à un moment ou à un autre de leur carrière.


Pedro Peres-Neto : « Pourquoi les espèces de poissons se trouvent-elles là où elles sont? »

La majeure partie de mes recherches a porté sur les poissons de rivière et sur la différence d’habitat entre les lacs et les ruisseaux. Les rivières sont très dynamiques, si bien que l’environnement des poissons peut changer en l’espace de quelques heures, jours ou années. Cela a pour effet de bouleverser l’habitat des poissons sur le plan spatio-temporel et d’entraver leur croissance, leur reproduction et leur liberté de mouvement. En revanche, les lacs fournissent des habitats plus stables pour les poissons.

Pour les membres de mon équipe de recherche, la grande question est de savoir pourquoi les espèces de poissons se trouvent là où elles sont. Pour y répondre, notre recherche combine des approches théoriques, de laboratoire et de terrain. Notre but ultime est de comprendre comment les caractéristiques des espèces (la morphologie, la capacité de dispersion, l'histoire de vie, le comportement, la physiologie, etc.), la structure de l'habitat et la connectivité et les interactions entre espèces influencent les types de poissons qui se trouvent dans différents habitats de rivières et de lacs.

Mon groupe a constaté – c’est une première – que les différents micros-habitats des rivières (bancs, mares et rapides) peuvent influer considérablement sur la forme des poissons de nombreuses espèces. Et ce, en dépit du fait que la nature dynamique et souvent imprévisible des rivières laisse présager que les poissons sont en mesure d’occuper n’importe quel type d’habitat.

La prochaine étape est de comprendre comment différents facteurs à différentes échelles spatiales affectent la croissance des poissons et comment ils interagissent, au sein d’un habitat et entre les habitats, par l’intermédiaire de déplacements et de dispersions. Ces échelles vont de petits cours d’eau et lacs à des provinces, des continents et la planète entière.


En savoir plus sur le 
Département de biologie de Concordia.

 



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