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Comment aller au-delà d’un projet de classe ordinaire

Sous la direction de Patti Sonntag, directrice de rédaction au service des informations du New York Times et journaliste résidente à l’Université Concordia, une enquête menée par des étudiants est publiée par The Walrus
16 novembre 2016
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Par James Gibbons


English version

Enveloppée de brouillard, une fourgonnette descendait une route sinueuse dans le nord du Québec. Sept étudiants du Département de journalisme de l’Université Concordia comptaient parmi les passagers entassés sur le siège arrière de cette Kia Sedona noire, leurs genoux et leurs coudes s’entrechoquant pendant les sept heures de trajet.

Patti Sonntag, B.A. 2000, directrice de rédaction au New York Times, était au volant, au sens propre comme au sens figuré.

En tant que première journaliste résidente de l’Université, elle a emmené ses étudiants de troisième et de quatrième année à Baie-Comeau (au Québec) – à 670 km de Montréal. L’objectif du périple dans cette région arboricole : mener des entrevues face à face dans le cadre d’une enquête sur la tordeuse des bourgeons.

Michelle Pucci photographie une personne interviewée pendant un reportage | Photo : Michael Wrobel Michelle Pucci photographie une personne interviewée pendant un reportage | Photo : Michael Wrobel

L’insecte brun – qui ressemble à une chenille et se mue en papillon – détruit les arbres et ne cesse de se multiplier.

« Je voulais traiter un sujet dans le domaine des changements climatiques et de l’industrie forestière », relate Patti Sonntag. L’idée lui est venue lorsqu’elle a entamé sa résidence au Département de journalisme de l’Université Concordia en janvier 2016.

Le projet de son groupe passait par la compilation d’une vaste quantité de chiffres – processus connu sous le nom de « journalisme de données » – pour orienter l’article.

« Le fait d’exploiter des données n’empêche pas le contact humain. En fait, c’est exactement le contraire, explique-t-elle. Nous scrutons les données pour comprendre le fonds de l’histoire – sans nous en tenir à la seule opinion des gens. »

L’histoire québécoise du coureur des bois veut que l’industrie forestière soit un pilier de l’économie. Les conséquences de la baisse du rendement du bois d’œuvre ont été méticuleusement examinées par la journaliste résidente et ses sept étudiants – dont cinq sont partis avec elle à Baie-Comeau.

Ils ont travaillé dix mois à cet article de plus de 7 000 mots publié par la revue The Walrus.

En reportage

Au cours du trimestre d’hiver 2016, les étudiants rencontraient Patti Sonntag chaque semaine et obtenaient ce faisant des crédits pour leur diplôme de journalisme. Une fois les deux périples au nord terminés – l’un en mars et l’autre en mai – ils avaient analysé d’innombrables tranches de données et compilé une foule d’entrevues.

De gauche à droite : Patti Sonntag, Michael Wrobel, Gregory Todaro, Michelle Pucci et Casandra De Masi | Photo credit: Greg Todaro De gauche à droite : Patti Sonntag, Michael Wrobel, Gregory Todaro, Michelle Pucci et Casandra De Masi | Photo credit: Greg Todaro

« L’exercice consistait à regarder les chiffres et à y décoder la situation », affirme Casandra De Masi, B.A. 2016. Cette étudiante de la cohorte de Patti Sonntag a fait les deux voyages au nord. Ils étaient effectués bénévolement et non assortis de crédits de cours.

Mme Sonntag a attribué à chaque membre de l’équipe un angle particulier du sujet à explorer, par exemple la science de la prolifération de la tordeuse de bourgeons, les retombées du phénomène sur l’environnement et ses conséquences économiques. Elle a ficelé leurs comptes rendus tout en écrivant l’article pour The Walrus.

« J’ai traité tout ce qui se rattachait à la main-d’œuvre », précise Michael Wrobel, un étudiant en quatrième année d’une double majeure en journalisme et en science politique. « J’ai pris contact avec les syndicats, plus particulièrement avec Unifor – qui était très présent dans l’industrie forestière – et avec la Fédération de l’industrie manufacturière. »

Michelle Pucci, B.A. 2016, s’est occupée de l’aspect économique du projet. « Nous centrions nos efforts sur une région (Baie-Comeau) et les trois entreprises exploitées là-bas, raconte-t-elle. Je me suis donc entretenue avec différentes compagnies. »

« C’était ma mission – essayer d’obtenir leur point de vue. Il s’agissait d’un angle plutôt financier. »

« J’étais responsable du côté scientifique, explique Casandra De Masi. Je devais essayer de devenir un genre de spécialiste des tordeuses de bourgeons. »

« J’appelais les scientifiques en leur disant “j’ai lu un de vos articles”, et nous avions alors des conversations passionnantes. Lorsqu’ils se rendaient compte que j’avais pris le temps de lire leur travail, ils étaient beaucoup plus disposés à m’aider. »

Joe Arciresi, B.A. 2016, et Gregory Todaro faisaient également partie du groupe. Ils s’occupaient respectivement de l’aspect juridique et de celui des changements climatiques. Shaun Michaud a traité les questions autochtones tandis que Julian McKenzie a étudié comment le ministère des Forêts avait réagi à l’infestation.

Patti Sonntag a proposé son article à la revue The Walrus pendant sa résidence à Concordia, avant même qu’il ait été écrit. « Cet article me paraissait résolument canadien, et nous avions besoin de souplesse en matière de longueur et d’approche créative », indique-t-elle pour expliquer pourquoi elle a choisi cette publication.

Une des rédactrices en chef à la revue The Walrus était Carmine Starnino, B.A. 1994, M.A. 2001.

Une occasion à saisir

En tant que journaliste résidente à l’Université Concordia, Patti Sonntag avait pour mandat d’aider les étudiants à développer leurs compétences en journalisme d’enquête.

Les étudiants en journalisme de Concordia Gregory Todaro (à gauche) et Casandra De Masi dans une aire de coupe au nord de Baie-Comeau, au Québec. | Photo : Michael Wrobel Les étudiants en journalisme de Concordia Gregory Todaro (à gauche) et Casandra De Masi dans une aire de coupe au nord de Baie-Comeau, au Québec. | Photo : Michael Wrobel

« Le programme de journalisme de l’Université Concordia enseigne admirablement bien comment réaliser des reportages généraux, commente Michael Wrobel. Lorsque vous effectuez ce genre de travail, vous connaissez déjà plus ou moins la teneur de votre article. Dans notre cas, nous ne savions absolument pas quels en seraient les tenants et aboutissants. »

De Masi confirme ce fait. « Je n’ai pas eu l’occasion de faire ça dans les autres cours. Ils s’articulent surtout autour du journalisme d’infominute », affirme-t-elle.

« Patti nous apprend à pratiquer le journalisme en établissant des contacts. Elle nous incite à parler aux gens et à aller à la rencontre de la collectivité. Cette ligne de conduite produit des reportages plus objectifs. »

Michael Wrobel est du même avis. « Nous avons fini par gagner la confiance des résidents de Baie-Comeau, raconte-t-il. J’étais stupéfait de voir à quel point ils étaient disposés à nous parler. »

Il relate comment il a quitté un entretien avec un fournisseur de matériel d’exploitation forestière en taxi avec Michelle Pucci. « Lorsque j’ai parlé de notre projet à la chauffeuse, elle m’a dit qu’elle connaissait un bûcheron nouvellement à la retraite. Elle nous a immédiatement conduits chez lui. Nous avons cogné à sa porte et il nous a accordé une entrevue le jour même », se rappelle-t-il.

« Ce projet exigeait une planification à long terme telle que nous n’avons jamais la chance de faire dans une salle de presse », explique Michelle Pucci, qui a effectué un stage au quotidien Montreal Gazette à l’été 2016.

« Nous travaillions beaucoup en équipe, précise-t-elle. Nous n’essayions pas de damer le pion aux autres – nous échangions plutôt conseils et idées. Nous nous entraidions. »

Patti Sonntag avait senti cette affinité potentielle au sein de l’équipe lorsqu’elle s’était réunie avec ses étudiants pour la première fois en janvier. « Au début du cours, je leur ai dit que les personnes présentes allaient devenir leurs meilleurs amis », explique-t-elle.

Selon elle, il ne fait aucun doute que cette expérience s’est avérée utile pour ses étudiants. « Au début, ils manquaient de confiance en eux. Ils avaient peur de moi et du travail qui les attendait », note-t-elle.

« Depuis, ils ont acquis beaucoup d’assurance. Ils peuvent téléphoner à un parfait inconnu sans avoir peur. Je suis fière d’eux. »

Le travail de la professeure a été récompensé par la prestigieuse bourse Michener-Deacon pour les études en journalisme, qu’elle a reçue en juin 2016. Ce prix lui permettra de diriger des professeurs de journalisme – d’universités des quatre coins du Canada – et leurs étudiants – dans le cadre d’un projet d’investigation lié au secteur des combustibles fossiles, qui sera amorcé en janvier 2017.

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