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Communiqué de presse

NOUVELLE RECHERCHE : Les bébés bilingues font la distinction entre les idiomes

Une étude menée conjointement par l’Université Concordia et l’Université de Princeton montre que les modes d’apprentissage et d’alternance linguistiques des nourrissons sont comparables à ceux des adultes.

Montréal, le 16 août, 2017 - Selon une nouvelle étude de l’Université Concordia, les nourrissons bilingues distinguent les idiomes qu’ils entendent. En outre, ils activent implicitement le code linguistique pertinent, ce qui favorise une meilleure compréhension.

Du reste, tant les petits que les grands marquent une pause lorsqu’ils passent d’une langue à l’autre – ce qui pourrait constituer un marqueur de l’efficacité du traitement linguistique.

Krista Byers-Heinlein, professeure agrégée de psychologie à la Faculté des arts et des sciences, et Elizabeth Morin-Lessard, doctorante, ont récemment rédigé une étude en collaboration avec Casey Lew-Williams, professeur de psychologie à l’Université de Princeton. Le fruit de leur travail a été publié dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States (« actes de l’Académie nationale des sciences des États-Unis »).

Les chercheurs ont mené deux séries d’expériences audiovisuelles auprès de sujets bilingues, soit 24 nourrissons de 20 mois ou moins, et 24 adultes. Leur objectif? Déterminer si le passage d’une langue à l’autre influait sur l’aptitude des participants à assortir des mots courants – comme « chien » ou « livre » – qu’ils entendaient avec leurs équivalents visuels.

Il appert que les sujets des deux groupes prenaient plus de temps pour assimiler des termes familiers exprimés dans une autre langue que le reste de la phrase où ils s’inséraient. Ils regardaient moins longtemps l’objet identifié, et leurs pupilles se dilataient – signe d’un effort de traitement neuronal accru.

Par contre, la différence était moins marquée, voire inexistante, quand le transfert se faisait de la langue seconde à la langue maternelle ou s’il survenait après une pause dans la phrase.

Les conclusions de l’étude confirment l’hypothèse voulant que les personnes bilingues recourent à une méthode de maîtrise de la langue comparable à une épée à double tranchant. D’une part, comme le locuteur anticipe les mots qui surgiront probablement dans la conversation, il assimile mieux les termes dans la langue attendue. D’autre part, quand il y a alternance linguistique, un léger ralentissement survient dans le traitement de l’information.

« Nous avons formulé deux théories sur le traitement du langage chez les nourrissons bilingues », souligne la Pre Byers-Heinlein, auteure principale de l’étude et mère d’un enfant bilingue.

« D’une part, il se peut que les mots "chien" et "dog" soient fondamentalement équivalents pour les bébés bilingues, poursuit-elle. D’autre part, il est possible que leur cerveau établisse d’une façon ou d’une autre – mais implicitement – une distinction entre les termes français et anglais. Comme toute langue se parle assez rapidement, l’auditeur apprenant n’a d’autre choix que de traiter promptement l’information, et ce, au fur et à mesure qu’il la reçoit. »

D’après elle, il serait théoriquement valable de présumer qu’un locuteur continuerait probablement d’employer le même idiome plutôt que de passer d’une langue à l’autre. De même, il garderait en tête les mots qui ponctueraient vraisemblablement le discours séquentiel.

De la petite enfance à l’âge adulte

Selon des recherches menées précédemment auprès d’adultes bilingues, ces derniers décèlent et maîtrisent implicitement l’idiome qu’ils utilisent. À cette fin, ils inhibent la langue seconde ou ils favorisent le système linguistique voulu. Par contre, ce phénomène les ralentit quand ils passent d’une langue à l’autre.

La présente étude apporte la première preuve expérimentale de la différenciation linguistique qui se produit dans la représentation des mots chez les nourrissons bilingues. Ainsi, ces derniers activent la langue qu’ils entendent, mais sont en quelque sorte freinés par le transfert d’un idiome à un autre. Il ne serait pas possible d’arriver à de telles conclusions si les nourrissons n’intégraient pas d’ores et déjà le vocabulaire dans des systèmes linguistiques dissociables.

L’étude a par ailleurs produit des résultats étonnants quant aux adultes bilingues.

« Autre fait intéressant, les mots employés étaient vraiment très simples », explique la Pre Byers-Heinlein, également titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur le bilinguisme.

« Vous voyez à l’écran un chien et un livre; vous devez identifier l’un d’eux. Rien de plus facile, non? Il suffit de regarder. Pourtant, nous avons constaté que même des adultes avaient besoin d’un petit peu plus de temps pour effectuer cette tâche quand ils passaient d’un code linguistique à l’autre », continue-t-elle.

Selon la Pre Byers-Heinlein, le fait que les bébés et les apprenants d’une autre langue – même à un niveau avancé – éprouvent des difficultés semblables n’indique pas la présence d’un problème. Au contraire, il s’agit d’un indicateur important des points communs en matière d’apprentissage linguistique, et ce, de la petite enfance à l’âge adulte.

« En soi, il n’y a rien de mauvais à ce que le processus de traitement linguistique exige un peu plus de temps chez les personnes bilingues lorsqu’elles passent d’un idiome à l’autre. Cela signifie simplement qu’elles assimilent efficacement la langue », conclut-elle.

Consultez l’étude citée.


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