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D’anciens extrémistes de droite parlent de prévention et de lutte contre la radicalisation violente avec des chercheurs de l’Université Concordia

Selon une étude, l’empathie, le respect et le soutien sont essentiels pour aider ceux et celles qui songent à se joindre à des groupes sectaires ou à se libérer de leur emprise
12 février 2020
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Chercheurs de l’Université Concordia, Maxime Bérubé et Vivek Venkatesh.
Chercheurs de l’Université Concordia, Maxime Bérubé et Vivek Venkatesh.

Alors que les groupes haineux, comme The Base, appellent à commettre des actes toujours plus violents, les autorités policières canadiennes considèrent l’extrémisme de droite comme une menace de plus en plus importante à la sécurité du pays.

Toutefois, même si ces groupes continuent de chercher de nouvelles recrues chez les jeunes, d’anciens membres, eux, quittent les rangs. Désillusionnés, ces derniers décident de partir pour diverses raisons – souvent à leurs risques et périls. Or, ces anciens membres possèdent des renseignements qui peuvent se révéler très utiles aux chercheurs et chercheuses dans le domaine.

Dans deux articles parus tout récemment dans les revues Studies in Conflict & Terrorism et Perspectives on Terrorism, des chercheurs de Concordia présentent les résultats d’analyses approfondies, menées à la suite d’entrevues sur le parcours de vie d’anciens membres de groupes d’extrême droite.

Ces anciens extrémistes s’expriment de façon sincère sur les façons de prévenir et d’enrayer le recrutement au sein des groupes sectaires, de même que sur les options qui s’offrent à ceux et celles qui souhaitent les quitter.

Ryan Scrivens, ancien chercheur boursier postdoctoral Horizon à l’Université Concordia, aujourd’hui professeur adjoint à l’École de justice criminelle de l’Université d’État du Michigan, et Maxime Bérubé, chercheur boursier postdoctoral du CRSH et collaborateur au projet SOMEONE, sont les principaux auteurs des articles cités.

Parmi les coauteurs, mentionnons Vivek Venkatesh, cotitulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violents (UNESCO-PREV) et professeur agrégé en pratiques inclusives en arts visuels au Département d’éducation artistique de la Faculté des beaux-arts de Concordia, et Tiana Gaudette, étudiante à la maîtrise à l’Université Simon Fraser.

Vivek Venkatesh Vivek Venkatesh

Hors des réseaux et dans le néant

Dans le cadre de ses travaux à Concordia, en plus de passer des dizaines d’heures à interviewer d’anciens extrémistes, Ryan Scrivens – chercheur principal de l’étude – a préparé et compilé des centaines de questions d’entrevues menées auprès de divers intervenants, dont des militants communautaires, des universitaires et des responsables des autorités policières.

« L’opinion d’anciens adeptes est très utile, en ce sens qu’elle offre un compte rendu de première main des stratégies qui se sont révélées efficaces – ou inefficaces – pour favoriser leur désengagement de la violence extrémiste », fait remarquer le chercheur. « Elle permet en outre de faire la lumière sur les facteurs qui ont incité ces personnes à s’engager plus à fond dans l’extrémisme violent ou, au contraire, les en ont dissuadés dès le départ. »

Ryan Scrivens s’est entretenu avec dix anciens extrémistes – huit hommes et deux femmes, de partout au pays – qui étaient considérés comme étant « hors des réseaux », c’est-à-dire qui n’avaient jamais parlé publiquement de leur expérience.

« N’ayant jamais vraiment réfléchi à leur parcours de vie auparavant, ces personnes nous ont livré un témoignage à froid, et non un récit prédéfini qu’ils auraient créé au fil du temps », précise Vivek Venkatesh.

Selon Maxime Bérubé, de multiples facteurs contradictoires ont pu les inciter à s’engager dans cette voie. « Certains avaient vécu des expériences de victimisation, s’étaient sentis négligés ou encore, étaient à la recherche d’une identité ou d’un statut, et c’est ce que le mouvement extrémiste leur apportait. »

Toutefois, les chercheurs ont aussi noté des similitudes quant aux motifs de leur désengagement.

« Ils avaient vieilli, étaient en couple ou avaient des enfants, et ne pouvaient s’imaginer élever ou éduquer leur famille dans cet environnement », explique Vivek Venkatesh. « Ils étaient fatigués de la haine, épuisés, même. »

Après leur départ, plusieurs anciens membres ont dit avoir vécu une sorte de néant – coupés de leur ancienne vie, et pas encore pleinement intégrés dans la société ordinaire.

C’est à cette étape, insistent les chercheurs, que les stratégies de sensibilisation, de remise en confiance et de rétablissement des liens familiaux, amicaux et professionnels jouent un rôle plus que déterminant dans le processus de réadaptation des anciens extrémistes hors du cercle des groupes sectaires.

Maxime Bérubé Maxime Bérubé

Prévenir sans juger

Selon Vivek Venkatesh, le fait d’avoir accès à un médiateur empathique et respectueux – qu’il s’agisse d’un membre de la famille, du personnel enseignant ou du corps policier – revêt une importance majeure dans la prévention de la radicalisation. Pour ceux et celles qui cherchent à se délivrer de l’emprise de groupes extrémistes, le fait de pouvoir compter sur une relation de confiance avec une personne qui a connu ce milieu est inestimable.

Les chercheurs sont convaincus que les résultats de leurs travaux auront plusieurs applications pratiques. Par exemple, ils pourront servir à concevoir un programme destiné aux éducateurs qui souhaitent faciliter la discussion de sujets difficiles. De même, ils pourront contribuer au soutien des personnes qui ont subi les affres de l’extrémisme de droite, soit en tant que victimes directes ou en tant que proches d’une personne aimée qui s’est jointe à un groupe sectaire particulier.

Enfin, ces recherches pourront aider les cliniciens en santé mentale dans l’évaluation de l’état psychique d’anciens extrémistes et l’élaboration de mécanismes de soutien au désengagement.

Ces études ont été financées notamment grâce au Fonds pour la résilience communautaire de Sécurité publique Canada et au Fonds de recherche du Québec.
 

Consultez les articles cités : Combating Violent Extremism: Voices of Former Right-Wing ExtremistsConverging Patterns in Pathways in and out of Violent Extremism: Insights from Former Canadian Right-Wing Extremists.

Pour voir les vidéos d’entrevues des chercheurs et des anciens extrémistes qui ont collaboré à la chaire UNESCO et au projet SOMEONE, visitez notre site Web

 



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