Des images thermiques par nuits froides
« Il est hors de question d’envoyer un inspecteur dans chaque immeuble, précise Bruno Lee. Nous avons donc dû imaginer une façon rapide d’obtenir une première estimation de l’état du parc immobilier. »
Les chercheurs ont choisi une technique appelée thermographie infrarouge. Cette méthode nécessite des appareils photo infrarouges pour déceler les ponts thermiques. La technique permet de repérer visuellement les ruptures et les anomalies thermiques avant de procéder à une inspection physique.
François Tardy s’est donc muni d’un de ces appareils infrarouges et a sillonné des quartiers défavorisés durant une douzaine de nuits, en février et en mars, afin de photographier des ponts thermiques – c’est-à-dire des images de la chaleur s’échappant des habitations.
La technologie d’imagerie thermique n’est pas nouvelle. Elle est utilisée par les entrepreneurs en construction et les propriétaires d’immeubles depuis des décennies. Toutefois, selon les professeurs Tardy et Lee, si l’on introduit ces images dans un modèle qui calcule automatiquement les paramètres d’un immeuble, on peut faciliter l’évaluation d’un bâtiment et même la rendre envisageable à l’échelle d’un quartier.
Bien que les images ne permettent pas d’obtenir une vue d’ensemble de l’état d’un bâtiment, elles peuvent servir d’outil d’évaluation rapide et fournir une estimation globale. Dans l’élaboration d’un prochain modèle, les chercheurs devront tenir compte de nombreuses autres variables, comme les heures d’ensoleillement, la vitesse du vent et la température.
Une application à plus grande échelle
« Mais en attendant, nous disposons de données facilement assimilables par les décideurs politiques et le grand public, mentionne Bruno Lee. Si on peut recueillir et traiter aisément des données sur le rendement de l’enveloppe d’un bâtiment, il est alors facile de procéder de la même façon pour de nombreux immeubles. On peut donc s’imaginer faire des analyses comparatives de plusieurs bâtiments, voire de différents quartiers. »
De l’avis de François Tardy et Bruno Lee, un portrait approximatif – si imparfait soit-il – de l’état du parc immobilier favorisera la réalisation de plusieurs objectifs, particulièrement au Québec. On pourra rationaliser les subventions et aider les propriétaires et les ménages à faible revenu à assumer les coûts de travaux indispensables de rénovation et d’isolation. Résultat : une population plus heureuse, plus saine et plus prospère. On réduira en outre les émissions de gaz à effet de serre en diminuant la consommation d’énergie. Enfin, on accumulera de l’électricité pouvant être vendue aux États-Unis.
« En tant que société, nous devons nous demander si l’énergie est un luxe ou un bien public », précise François Tardy.
S’il s’agit d’un bien public, comme c’est le cas au Québec, fait remarquer le chercheur, alors les décideurs politiques devraient s’attaquer en priorité au problème du gaspillage énergétique attribuable à l’inefficacité. Une information exacte sur l’état du parc immobilier de la province les y aiderait certainement.
Consultez l’article cité : Building related energy poverty in developed countries — Past, present, and future from a Canadian perspective.