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Les bilingues perçoivent les sons différemment selon la langue qu’ils croient entendre, d’après une nouvelle étude

Chercheuse à Concordia, Krista Byers-Heinlein démontre comment le cerveau des bilingues « sélectionne » l’anglais ou le français en fonction de ce qu’il anticipe
6 février 2019
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Krista Byers-Heinlein : « À notre avis, la configuration cérébrale des bilingues se modifie selon s’ils croient entendre l’anglais ou le français. »
Krista Byers-Heinlein : « À notre avis, la configuration cérébrale des bilingues se modifie selon s’ils croient entendre l’anglais ou le français. »

À l’audition, quand un « p » est-il vraiment un « p » ou un « b », vraiment un « b »? D’après une nouvelle étude de Concordia, tout dépend de la manière dont vous l’entendez et, si vous êtes bilingue, de la langue que vous percevez.

De fait, dans un article paru dans la revue Cognition, Krista Byers-Heinlein et ses coauteurs soutiennent que les bilingues identifient la parole en fonction de l’idiome qu’ils croient entendre.

Par exemple, une personne dont la langue maternelle est l’anglais ne captera pas le son « p » comme le ferait un francophone de naissance. Il en va de même pour le son « b ». C’est que la prononciation varie d’une langue à l’autre, et ce, même quand une syllabe leur est commune. Cette réalité a servi de point de départ au projet de recherche.

« Les locuteurs francophones et anglophones perçoivent différemment le même son », explique Krista Byers-Heinlein, professeure agrégée de psychologie à la Faculté des arts et des sciences et titulaire de la chaire de recherche de l’Université Concordia sur le bilinguisme.

« Ainsi, certains sons ressemblent à un ‘‘b’’ pour un anglophone, tandis qu’ils résonnent comme un ‘‘p’’ pour un francophone, poursuit-elle. Ce mode de fonctionnement est commun à toutes les langues. Mais qu’en est-il pour les bilingues, qui sont légion de nos jours? Voilà la question que nous nous posions. »

Pour les besoins de sa recherche, la Pre Byers-Heinlein a recruté des étudiants bilingues inscrits à un programme de premier cycle du Département de psychologie de Concordia. Les chercheurs ont informé les sujets, placés devant un ordinateur, qu’ils entendraient un son émis en anglais ou en français. Ce son serait soit « pah », soit « bah » – autrement dit, des syllabes qui, prises hors contexte, sont pratiquement dénuées de sens.

« Elles auraient pu être en anglais ou en français, voire dans les deux langues ou aucune d’elles », souligne-t-elle.

Passer d’un filtre auditif à l’autre

Les chercheurs ont demandé aux sujets d’indiquer quel son ils entendaient en cliquant soit sur le « p », soit sur le « b ». Les sons transmis variaient, d’un « b » ou d’un « p » très clairs à des phonèmes se situant entre les deux.

Les chercheurs ont découvert que les sujets modifiaient leurs réponses en fonction de la langue qu’ils croyaient entendre. S’ils se faisaient dire que l’anglais était employé, ils étaient portés à sélectionner un son en particulier. Par contre, si on leur signalait que le français était utilisé, ils étaient enclins à choisir l’autre son. Pourtant, il s’agissait toujours du même phonème.

Menée parallèlement à l’Université de l’Arizona, une étude portant sur des bilingues anglais-espagnol est parvenue au même constat.

« À notre avis, la configuration cérébrale des bilingues se modifie quelque peu selon s’ils croient entendre l’anglais ou le français, affirme Krista Byers-Heinlein. On croirait presque qu’ils possèdent un paramètre programmable... Par exemple, la configuration anglaise s’activerait à l’écoute d’un son dans la langue de Shakespeare et le filtrerait au moyen d’une “oreille anglophone”. De même, la configuration française s’activerait à l’écoute d’un son dans la langue de Molière et le filtrerait au moyen d’une “oreille francophone”. En outre, nous pensons que les bilingues sont aptes à commuter très rapidement d’une configuration à l’autre. »

La Pre Byers-Heinlein fait remarquer que les sujets évalués étaient parfaitement bilingues et qu’ils passaient facilement d’une « oreille » à l’autre. Selon elle, les bilingues développent cette habileté avec le temps. Par contre, des étudiants moins performants, ou n’ayant acquis que récemment une deuxième langue, ne posséderaient pas cette capacité de commutation.

Krista Byers-Heinlein avoue avoir été étonnée par l’aptitude du cerveau humain à identifier si rapidement un idiome et à passer tout aussi vite d’un filtre linguistique à l’autre.

« Il n’y a rien à faire pour y arriver, précise-t-elle. Le sujet qui maîtrise de mieux en mieux une nouvelle langue n’a pas d’efforts particuliers à déployer pour modifier son écoute de telle ou telle façon. Son cerveau le fait automatiquement – ce qui est plutôt chouette! »

La présente étude a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada ainsi que de la Graduate Diversity Fellowship (« bourse d’études supérieures en diversité ») de l’Université de l’Arizona.


Lisez le compte rendu intégral de l’étude :
How bilinguals perceive speech depends on which language they think they’re hearing (« la perception de la langue par les bilingues est fonction de l’idiome qu’elle croit entendre »).

 

Contact

Patrick Lejtenyi
Conseiller Affaires publiques 
514 848-2424, poste 5068 
patrick.lejtenyi@concordia.ca
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