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En matière de traduction automatique, la littératie prime

Lynne Bowker est la nouvelle chercheuse en résidence de la Bibliothèque de Concordia
2 juillet 2019
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Par Ashley Fortier


« L’utilisation judicieuse de la traduction automatique exige une action judicieuse de notre part », affirme Lynne Bowker. « L’utilisation judicieuse de la traduction automatique exige une action judicieuse de notre part », affirme Lynne Bowker.

La meilleure façon d’aborder la traduction automatique – comme celle qu’offre l’outil Google Translate, par exemple – est d’adopter une perspective éclairée et critique. Du moins selon Lynne Bowker, plus récente participante au programme de chercheur en résidence de la Bibliothèque de l’Université Concordia.

Mme Bowker est professeure à l’École de traduction et d’interprétation de l’Université d’Ottawa et titulaire d’une seconde affectation à l’École des sciences de l’information. Elle occupera le poste de chercheuse en résidence à Concordia de juin à décembre 2019.

À ce titre, elle s’intéressera à la littératie en traduction automatique dans le contexte de la communication savante. Elle mènera notamment des recherches auprès de membres non anglophones de l’effectif étudiant et du corps professoral de Concordia pour comprendre comment ils utilisent la traduction automatique au regard des communications savantes et de quelle manière elle peut être améliorée.

La Pre Bowker collaborera en outre avec les bibliothécaires de Concordia à l’élaboration d’un atelier sur la littératie en traduction automatique à l’intention de la communauté universitaire.

Lancé il y a trois ans, le programme de chercheur en résidence vise à renforcer la culture de la recherche et à promouvoir un bibliothécariat fondé sur des données probantes à l’Université.

Il permet à des bibliothécaires, à des archivistes, à des chercheurs et à des doctorants de se concentrer sur un domaine d’érudition dans un milieu favorable à l’entraide et enrichissant, et d’interagir avec le personnel et les ressources de la Bibliothèque de Concordia.

Mon but est d’aider la communauté universitaire à éviter les pièges potentiels de cette technologie tout en optimisant ses avantages.


Qu’est-ce que la littératie en traduction automatique?

Lynne Bowker : A priori, les outils en ligne gratuits comme Google Translate semblent des plus simples à utiliser : ouvrez l’application, copiez-collez votre texte, choisissez vos langues et le tour est joué.

Or, si l’utilisation de la traduction automatique est aisée, son utilisation critique exige une réflexion approfondie. Avez-vous déjà pensé à ce qui arrive au texte que vous collez dans l’outil? Peut-être disparaît-il simplement une fois la fenêtre fermée? Au risque de divulgâcher, ce n’est pas le cas. La confidentialité et le respect de la vie privée sont donc des enjeux à considérer avant de choisir d’utiliser un système de traduction automatique en ligne.

Et à quel point les traductions produites sont-elles fiables? Les plus récentes approches axées sur l’intelligence artificielle recourent à une technique appelée l’apprentissage machine. Il s’agit essentiellement d’entrer des millions de mots dans un programme informatique qui utilise ces données pour apprendre comment traduire des textes.

En fonction des textes utilisés pour l’apprentissage, le système de traduction automatique peut assimiler des notions inappropriées. Par exemple, on rapporte déjà de nombreux cas de systèmes qui produisent des textes empreints de préjugés sexistes ou racistes.

Le fait d’apprendre comment rédiger des textes compatibles avec la traduction automatique peut améliorer l’utilité des traductions produites. Une réflexion sur la nécessité, l’opportunité, la rationalité et la modalité de la traduction automatique s’inscrit dans ce que j’appelle la « littératie en traduction automatique ».

Qu’est-ce qui a inspiré votre intérêt pour ce domaine et vos recherches?

LB : Étant anglophone, je suis en mesure d’effectuer la plupart de mes communications savantes dans ma langue maternelle. Or, plus j’interagissais avec des étudiants étrangers, des chercheurs invités et des collègues lors de conférences internationales, plus j’ai commencé à réaliser à quel point ma position était privilégiée.

J’ai alors lu un rapport d’un groupe de chercheurs espagnols qui faisait état de leurs difficultés à faire paraître leurs travaux en anglais – leur taux de réussite était inférieur à 25 pour cent. Le fond scientifique était impeccable, mais la forme linguistique laissait à désirer selon les rédacteurs de revues anglophones.

Il serait facile de considérer que cette question ne touche que les non-anglophones, mais je pense que les anglophones ont aussi leur part de responsabilité dans cette situation. En effet, si nous voulons que les esprits les plus brillants de la planète collaborent à résoudre des problèmes comme le changement climatique, le cancer et la crise énergétique, nous devons nous assurer que les chercheurs de tous les horizons linguistiques peuvent efficacement communiquer les résultats de leurs travaux les uns aux autres.

J’entends donc utiliser ma propre expertise dans le domaine des technologies de traduction pour aider les membres de la communauté universitaire à améliorer leur littératie en traduction automatique. Ils pourront ainsi éviter les pièges de cette technologie tout en optimisant ses avantages.

Je crois que l’utilité de cette recherche pourrait en outre dépasser la communauté savante. Par exemple, un programme de littératie en traduction automatique pourrait être adapté à l’intention des écoliers ou des nouveaux arrivants au Canada qui parlent des langues autres que l’anglais ou le français. La traduction automatique pourrait ainsi apporter une contribution substantielle à la justice sociale.

Quelles sont quelques idées fausses au sujet de votre recherche?

LB : C’est une grosse erreur de croire que la traduction automatique est « facile », car son utilisation judicieuse exige que nous agissions judicieusement plutôt qu’en pilotage automatique.

Un autre problème connexe est que les gens pensent que la traduction automatique est entièrement « automatique ». Or, dans la plupart des cas, il est préférable de traiter cette technologie comme un outil qui peut aider à traduire plutôt que comme un outil qui traduit.

L’intervention humaine, avant ou après la phase de traduction automatique, peut ainsi avoir un effet décisif sur la qualité éventuelle du texte.

Un autre aspect auquel la plupart des utilisateurs ne pensent pas est le fait qu’il y a des êtres humains derrière la machine.

Même les systèmes de traduction automatique qui reposent sur l’intelligence artificielle ne pourraient fonctionner sans l’apport de dizaines de milliers de traducteurs professionnels. Une question éthique se pose donc, ces traducteurs n’étant aucunement reconnus pour leur travail puisque tout le mérite revient à la machine.

Enfin, les universitaires anglophones ne réalisent pas toujours le rôle crucial qu’ils doivent jouer pour rendre la situation plus équitable en matière de communication savante. En effet, les locuteurs dont l’anglais n’est pas la langue maternelle ne devraient pas être les seuls à relever ce défi.

Comment les participants à un programme de littératie en traduction automatique en bénéficieront-ils?

LB : J’espère que les gens auront une meilleure idée du fonctionnement de la traduction automatique pour qu’ils puissent prendre des décisions éclairées quant à son utilisation dans un contexte particulier. Et s’ils choisissent de l’utiliser, j’espère qu’ils pourront le faire d’une manière qui maximise son efficacité et minimise ses risques potentiels.

Je souhaite également qu’on salue les traducteurs professionnels et les concepteurs de logiciels qui ont rendu ce type de technologie possible.

Quel est le meilleur moyen pour les membres de la communauté de Concordia de communiquer avec vous?

LB : J’adorerais échanger avec des membres de la communauté de Concordia qui s’intéressent à la communication multilingue, aux technologies de traduction, à la communication savante et à d’autres domaines connexes. Je possède un bureau à la bibliothèque R.-Howard-Webster (LB-505.02) et on peut aussi me contacter au 514 848-2424, poste 7758, ou à lynne.bowker@concordia.ca (je réponds habituellement plus vite aux courriels).


Apprenez-en davantage sur le programme de chercheur en résidence de la Bibliothèque de Concordia.



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