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HORIZONS STIM : Cette chercheuse de Concordia étudie la conservation des espèces avec l’aide de la communauté crie

La chercheuse postdoctorale Ella Bowles applique la génomique à un projet collaboratif de pêche
4 octobre 2017
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Par Kenneth Gibson


Situé en région éloignée, à quelque 800 kilomètres de Montréal, le lac Mistassini connaît depuis les quinze dernières années une popularité croissante auprès des touristes amateurs de pêche, qui s’y rendent le plus souvent par avion.

Depuis des siècles, la Nation crie de Mistissini exploite les différentes espèces de poissons du lac à des fins de subsistance. La communauté crie est en outre responsable du tourisme axé sur la pêche dans la région. C’est pourquoi ses membres s’intéressent vivement à la conservation des espèces présentes.

Ella Bowles est chercheuse postdoctorale. Elle travaille en collaboration avec Dylan Fraser dans le laboratoire de ce dernier au Département de biologie de l’Université Concordia. Elle y étudie la génomique de la conservation des espèces chez le poisson. Par ses recherches, elle souhaite découvrir comment tirer parti des populations de poissons sur le plan génétique, ce qui, au bout du compte, pourrait guider le choix de pratiques d’exploitation durables.

Une réduction statistiquement significative du poids et de la longueur des spécimens de doré jaune du lac Mistassini s’est produite à mesure que l’industrie du tourisme de pêche sportive se développait dans la région. Par ses travaux, Mme Bowles tente de déterminer s’il y a eu une diminution connexe de la diversité génétique des populations de cette espèce.

Elle met à profit les connaissances qu’elle a acquises dans le cadre de ses travaux pour aider la Nation crie de Mistissini dans un effort collaboratif de conservation des ressources halieutiques. En combinant information scientifique et connaissances écologiques traditionnelles, elle espère favoriser l’adoption d’une approche communautaire exhaustive de gestion des populations de poissons.

« L’objectif : garantir une sauvegarde des stocks de poissons pour les générations futures »


Quel est le rapport entre l’image ci-dessus et vos travaux à Concordia?

Sur la photo, je m’applique à extraire de l’ADN qui, plus tard, subira un séquençage afin de générer des milliers de polymorphismes mononucléotidiques (ou SNP pour single nucleotide polymorphism).

Les SNP sont des unités d’information dont je me sers pour faire des déductions concernant les populations de poissons que j’étudie. Ainsi, je peux déterminer certains éléments, comme le nombre de populations ou de groupes génétiquement distincts qui sont présents, et si ces populations ont évolué ou changé au cours du temps.

Je peux notamment déterminer quelles parties du génome entraînent ce changement, savoir si les populations d’un génome donné subissent une pression de sélection, de même que mesurer l’ampleur du phénomène de croisement entre les populations. Selon le type de poisson étudié, et ce que nous en savons, il est possible d’aller jusqu’à déterminer avec précision de quelle rivière il provient.

Quels résultats attendez-vous de votre projet?

Je souhaite savoir si, oui ou non, il s’est produit un changement avec le temps au sein des populations d’un certain nombre d’espèces de poissons qui, à la fois, sont exploitées à des fins de subsistance et font l’objet de pêche sportive au lac Mistassini. L’an dernier, je me suis attardée strictement au doré jaune. Au cours des deux prochaines années, je vais élargir mes recherches à d’autres espèces – le touladi, l’omble de fontaine et le grand brochet.

Quels pourraient être les effets concrets de vos travaux dans la vie des gens?

Tous les efforts que nous déployons dans le cadre de ce projet se font, soit au bénéfice de la Nation crie de Mistissini, soit en collaboration avec cette dernière. Les Cris se servent des résultats de la recherche pour guider la gestion et l’exploitation de certaines espèces de poissons qui peuplent le lac Mistassini. L’objectif ultime est de garantir une sauvegarde des stocks pour les générations futures.

Quels sont les principaux obstacles auxquels vous vous heurtez dans vos travaux?

Que ce soit au laboratoire de recherche moléculaire ou à l’étape de l’analyse des résultats, la vitesse à laquelle la méthodologie évolue dans mon domaine constitue un défi de taille. Par exemple, quand j’ai commencé mes études supérieures il y a dix ans, la plupart des laboratoires utilisaient entre une et deux douzaines de marqueurs microsatellites. Sur le génome d’un organisme, il existe des séquences constituées d’unités répétées. Ce sont les microsatellites. Ceux-ci fournissent de l’information sur le processus d’évolution qui façonne la distribution géographique d’une espèce.

Aujourd’hui, la norme veut qu’on utilise des milliers de marqueurs distribués tout le long d’un génome donné. Cela signifie que les biologistes dépendent de plus en plus des programmes informatiques pour traiter les données. Or, les logiciels utilisés pour ce genre d’analyse sont en constante évolution. Par conséquent, nous devons sans cesse nous familiariser avec de nouveaux programmes. Cela suppose aussi qu’il faut publier nos résultats avant qu’ils deviennent désuets tout en retenant des quantités phénoménales d’information. C’est une difficulté qui s’ajoute à tout le reste.

Dans quels domaines vos travaux pourraient-ils être utilisés?

Mes recherches s’appliquent directement à la conservation des ressources. Ce projet de recherche est particulièrement important pour la Nation crie de Mistissini. Par ailleurs, mon approche pour étudier les espèces de poissons de la région combine information scientifique et connaissances écologiques traditionnelles. Or, on a de plus en plus recours aux méthodes interdisciplinaires pour la conservation des ressources. Il reste cependant beaucoup de chemin à parcourir dans le domaine.

Mes méthodes, ainsi que ma façon d’interpréter et d’appliquer les résultats pourraient éventuellement servir de modèle à d’autres – par exemple, les gestionnaires de la faune – qui souhaitent faire appel aux connaissances écologiques traditionnelles pour enrichir leurs méthodes scientifiques.

Quelle personne, quelle expérience ou quel événement particulier vous a donné l’idée de votre sujet de recherche et incité à vous intéresser à ce domaine?

Depuis que je suis toute jeune, je m’intéresse aux questions environnementales. Cela me vient peut-être de mes parents, des citoyens préoccupés. Par ailleurs, le programme de baccalauréat ès sciences de l’Université de la Colombie-Britannique – que j’ai fréquenté – s’inscrivait dans un cadre de travail évolutif, et ça m’a beaucoup plu.

Durant et après mes études de premier cycle, je faisais aussi de la recherche en oncologie moléculaire. J’ai vraiment aimé ce travail. J’y ai découvert le pouvoir de la biologie moléculaire en tant qu’outil de recherche.

Alors que je suivais un cours de biologie axée sur le poisson marin au Centre des sciences marines Bamfield, j’ai découvert toute la richesse de la biodiversité halieutique. J’ai été à la fois sidérée par l’état et la trajectoire de nos ressources dans le domaine, et enthousiasmée par les solutions que pourraient apporter les outils moléculaires à ce problème. C’est à ce moment-là que j’ai découvert ma voie.

Comment les étudiants en STIM que cela intéresse peuvent-ils se lancer dans ce type de recherche? Quel conseil leur donneriez-vous?

Proposez-vous comme bénévoles! Le meilleur conseil que je peux offrir aux étudiants est de se renseigner sur certains des chercheurs qui travaillent dans leur établissement d’enseignement (ou ailleurs) et de les contacter afin de voir avec eux s’il existe une possibilité d’emploi, rémunérée ou non, dans leurs laboratoires. Évidemment, l’idéal est d’être payé pour son travail. Toutefois, une expérience en recherche, peu importe laquelle, vous permet de voir si vous aimez ça – ou pas, et de découvrir le genre de travail qui vous plaît le plus.

Justement, qu’est-ce qui vous plaît le plus à Concordia?

Il y a deux choses qui font de Concordia un endroit vraiment extraordinaire où travailler.

Premièrement, mon superviseur et son équipe de laboratoire constituent une mine de connaissances. Ils connaissent souvent des trucs qui sont relativement nouveaux pour moi et qui enrichissent mon travail. De plus, mes collègues sont très généreux de leur temps. Tout cela donne lieu à des collaborations productives.

Deuxièmement, je suis reconnaissante, en tant que chercheuse postdoctorale, d’avoir accès aux ateliers GradProSkills. J’ai déjà suivi plusieurs cours, notamment de grammaire, de gestion de projets, de revue de la littérature et de conversation française. Tous sont excellents, tant du point de vue du contenu que de la présentation.

Vos recherches bénéficient-elles du financement ou du soutien de partenaires ou d’organismes?

Oui! J’ai eu le privilège de recevoir récemment une bourse Mitacs Élévation. Il s’agit d’une initiative de collaboration entre Concordia, Mitacs et la Niskamoon Corporation, qui finance une grande part des travaux. Niskamoon est un organisme sans but lucratif qui favorise les échanges entre les Cris et Hydro-Québec.

Cet OSBL soutient de multiples projets culturels et environnementaux qui encouragent une utilisation durable des ressources, ainsi que l’autonomie du peuple cri. Or, je contribue à tous ces aspects dans mon travail. C’est pourquoi mes recherches cadrent parfaitement avec le mandat de l’organisme. Être en mesure de participer à un effort de conservation sur le terrain grâce à cette bourse de recherche, c’est pour moi un rêve qui se réalise.

Apprenez-en davantage sur le Département de biologie de l’Université Concordia.



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