Skip to main content

La chasse aux trésors à Concordia

L'université met en valeur son impressionnante collection d'oeuvres d'art public
20 décembre 2010
|
Par Patrice-Hans Perrier

Source: Concordia University Magazine

English

Profitant du boom des années 1960, les établissements fondateurs de l’Université Concordia ont très tôt pris le parti d’incorporer des œuvres d’art novatrices à même leurs édifices.

Nicolas Baier’s mural on the Engineering, Computer Science and Visual Arts Integrated Complex.
Murale de Nicolas Baier au pavillon intégré Génie, informatique et arts visuels.

C’est ainsi qu’un très beau vitrail de Jean McEwen invite la lumière matinale à pénétrer au cœur du pavillon Henry-F.-Hall, le premier immeuble moderne d’importance construit par l’université. Cette œuvre s’intègre à une collection qui fait l’envie des autres maisons d’enseignement.

Ce n’est un secret pour personne : la Faculté des beaux-arts de Concordia est probablement l’une des plus prestigieuses au pays. L’art se réverbère à travers les différents pavillons des deux campus et on pourrait s’avancer jusqu’à dire que l’activité artistique est inséparable de la vie intellectuelle d’un établissement d’enseignement qui se démarque par son esprit d’innovation. C’est un peu ce que professe Clarence Epstein.

Le directeur des projets spéciaux et des affaires culturelles au cabinet de la rectrice revient de loin. En effet, M. Epstein travaille depuis le début des années 2000 à recenser la propriété culturelle de l’Université, qui semblait avoir été, dans certains cas, laissée à elle-même. Ainsi, il nous confiait avoir débusqué près de 200 artefacts éparpillés dans des bureaux, des couloirs, voire des salles anonymes ou des sites d’entreposage !

Il faut rappeler que les années 1960 et 1970 correspondaient à une époque où les pouvoirs publics agissaient comme de véritables mécènes. Ainsi, au-delà des commandes dédiées à l’art public — intégré aux bâtiments —, les admi-nistrateurs poussaient l’audace jusqu’à encourager l’achat de pièces de mobilier et d’objets d’art appelés à bonifier certains secteurs de l’université. Pour reprendre les paroles de notre interlocuteur, on pourrait ajouter que « l’art n’était pas seulement réservé aux galeries, mais rayonnait dans l’espace public ».

L’art public et son contexte d’ancrage

Clarence Epstein souligne que « les anciennes institutions [Sir George Williams University et Loyola College] — avant la création de l’Université Concordia en 1974 — n’avaient pas nécessairement mis en place un suivi en termes de conservation et de mise en valeur des œuvres d’art public déjà sur place. Lorsque les deux collèges ont fusionné, les collections d’art n’étaient pas perçues comme des éléments-clefs », poursuit-il.

Claude Théberge’s distinctive mural on the east side of the Guy Metro (GM) Building. | Photo courtesy of Concordia University Magazine.
Muraille contemporaine de Claude Théberge à l’une des sorties du pavillon du métro Guy.

Outre les œuvres commandées par l’Université, certains promoteurs privés auront eux aussi fait leur part pour mettre en valeur les espaces publics du secteur.

C’est ainsi qu’une très belle murale de Claude Théberge avait été laissée à son sort sur le flanc est de l’édifice de la station de métro Guy (pavillon GM).

(L’artiste s’est distingué durant les années 1960 en organisant un atelier spécialisé dans le domaine des arts intégrés à l’architecture. Ses œuvres étaient conçues en fonction de leurs lieux d’insertion.) C’est en se portant acquéreur de l’édifice que l’Université a constaté qu’il n’existait pas d’archives à son sujet. M. Epstein s’est donc occupé de la documentation et de la mise en valeur de cette pièce unique.

Clarence Epstein et son équipe ont bien vu la richesse insoupçonnée d’une collection qui brille par la diversité des œuvres commandées depuis quatre décennies environ. « Mis à part quelques dons d’entreprises ou de mécènes, l’Université ne disposait toujours pas d’une réelle politique d’acquisition. Ce n’est qu’au début des années 1990 que la donne va changer. La construction de la bibliothèque John-W.-McConnell, en 1992, va donner un coup d’envoi, alors que plusieurs nouvelles œuvres seront intégrées à l’édifice dans le cadre de la politique québécoise du 1 % [système de subventions gouvernementales consacrées aux œuvres d’art intégrées aux nouveaux bâtiments publics]. C’est une équipe dirigée par l’artiste Rose-Marie Goulet qui a remporté cet important concours », précise-t-il.

Une des œuvres commandées a été réalisée par une équipe de spécialistes en design urbain, qui ont utilisé une structure métallique en forme de spirale afin de montrer des textes qui parlent de la richesse linguistique en présence sur le campus. Œuvre contextuelle par excellence, An Explosion of Letters apparaît sur la devanture de l’édifice et réapparaît dans le hall d’entrée, puis au-dessus d’une cage d’escalier et, finalement, à l’intérieur de la salle de lecture de la bibliothèque.

An Explosion of Letters in the J.W. McConnell Building atrium.
An Explosion of Letters dans l’atrium du pavillon John-W.-McConnell.

L’épreuve du temps
Le responsable des affaires culturelles de Concordia ajoute que ce type d’œuvre se démarque par « sa visibilité permanente dans le domaine public et aussi en raison de la qualité des matériaux, qui l’aidera à passer à travers l’épreuve du temps.

Geneviève Cadieux’s Lierre sur Pierre (Ivy on Stone) on the main facade of the John Molson School of Business Building.
Lierre sur Pierre, de Geneviève Cadieux, au pavillon de l’École de gestion John-Molson.

N’oublions pas les intempéries ou les actes de vandalisme qui risqueront de l’abîmer. L’aspect de la durabilité est incontournable dans ce cas ».

Cette dernière considération aura sans doute guidé la conception de l’immense murale réalisée par Geneviève Cadieux pour la façade principale du pavillon de l’École de gestion John-Molson (MB). De gigantesques feuilles de lierre en acier anodisé ont été fixées à même un mur en pierre calcaire d’une surface de 150 mètres carrés.

Lierre sur Pierre est une œuvre monumentale qui donne l’impression de pouvoir résister à l’épreuve du temps. Un détail retient notre attention : la surface réflexive des feuilles de lierre fait en sorte que les piétons peuvent s’y mirer en passant. Ce clin d’œil de l’artiste souligne la volonté de l’Université de demeurer ouverte sur la communauté montréalaise.

Une destinée commune
Notre interlocuteur aime à rappeler que Concordia et la métropole partagent cette même destinée, qui aura servi de trame de fond à d’innombrables échanges culturels au fil du temps. M. Epstein souligne, à cet effet, que l’Université tente de « faire passer le message selon lequel l’art jette un pont entre l’éducation et la culture, une approche que nous nous efforçons de mettre en valeur ».

Ce va-et-vient entre culture et société est au centre de la thématique d’une œuvre d’art public destinée au campus Loyola. L’œuvre d’Adad Hannah, MFA 2004, diplômé de Concordia (et étudiant au doctorat), orne les fenêtres de la façade principale du nouvel édifice du Centre PERFORM au campus de l’ouest de la ville. Il s’agit d’une immense murale façonnée à partir de clichés photographiques qui ont été transférés au moyen d’une encre frite sur la surface des vitres. Inspirée des études sur le mouvement du célèbre Eadweard Muybridge, elle évoque le corps humain en mouvement et ses multiples transformations à travers le temps.

Clarence Epstein souligne que « l’artiste a utilisé des modèles qui proviennent de toutes les couches de la société, de tous les âges et de tous les genres. Il s’agit d’une réflexion sur la communauté des usagers de Concordia dans son essence même. Et cette œuvre clôture à point nommé l’événement thématique Montréal Ville de verre, qui prendra bientôt fin ».

Adad Hannah's work LEAP will adorn the large front window of the PERFORM Centre, set to open at Loyola in 2011.
LEAP, d’Adad Hannah, sur la façade du Centre PERFORM.

Montréal Ville de verre
L’année 2010 a été un grand cru pour Concordia. L’Université s’est distinguée en participant à Montréal Ville de verre. L’événement, parrainé par la Société des directeurs des musées montréalais (SDMM), a mis en vedette le verre sous toutes ses déclinaisons dans le domaine de l’architecture et de l’art public. Montréal Ville de verre a fait appel à la participation d’une pléiade de musées, ainsi qu’au réseau de métro et à certaines institutions publiques qui contribuent à l’embellissement de la cité.

Manon Blanchette, directrice générale de la SDMM, souligne l’apport exceptionnel de Concordia dans le domaine de l’intégration du verre à l’art public. Elle affirme que « l’immense verrière de Nicolas Baier — sur le flanc est du pavillon intégré Génie, informatique et arts visuels (pavillon EV) — a littéralement métamorphosé tout le secteur. Lorsque vous passez par là, vous pouvez lever la tête et voir le mouvement des feuilles qui semblent bouger sous l’action de la lumière ».

Le médium verre a certainement un rôle à jouer dans nos pays nordiques, alors que le soleil se fait moins généreux durant la saison froide. C’est ce qui fait que les verrières procurent une source de plaisirs renouvelés aux usagers des bâtiments du centre-ville.

Yehouda Chaki est un artiste d’origine méditerranéenne qui utilise la couleur à profusion dans ses tableaux et pour qui la lumière est une source d’inspiration continue. Il affirme : « C’est le rôle d’un artiste de s’adapter à la lumière ambiante puisque de notre inspiration jaillit ce que j’appelle une lumière spirituelle. Ce qui fait toute la différence en fin de compte. »

Yehouda Chaki's Les Quatre Saisons (The Four Seasons).
Les Quatre Saisons, de Yehouda Chaki, dans le tunnel menant à
l’École de gestion John-Molson

Chaki s’est vu confier la réalisation d’une murale qui a été installée au beau milieu d’un corridor sous-terrain qui relie le pavillon EV au pavillon MB. Une prouesse en soi dans un environnement qui baigne uniquement dans la lumière artificielle ! L’œuvre, intitulée Les Quatre Saisons, frappe le regard par l’énergie vitale qui émane de l’agencement des couleurs et des formes.

L’artiste souligne que « l’idée maîtresse derrière cette œuvre est née en quelques minutes, le temps de poser des gestes témoignant de la simplicité des éléments naturels, de la fraîcheur des saisons et du mouvement de la vie. La phase technique, par contre, fut laborieuse puisque nous voulions assembler les zones de couleurs de la verrière sans utiliser de plomb. Les quatre panneaux pèsent environ une tonne : imaginez l’ingéniosité qu’il a fallu déployer pour installer l’œuvre dans son ensemble ».

En fait, c’est le mouvement des piétons qui provoque des changements de luminosité de sorte que Les Quatre Saisons semble animée d’une énergie renouvelée. L’énergie d’une communauté bien vivante. 


Patrice-Hans Perrier, BA 1990, est journaliste à Montréal.


Renseignements:
•   Œuvres d’art public à Concordia
•   Concordia University Magazine



Retour en haut de page

© Université Concordia