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Communiqué de presse

La double valeur des vers

Une recherche de Concordia montre que les vers peuvent produire du compost propre et de la nourriture pour animaux

Photo by Hans Splinter (Flickr Creative Commons)

Montréal, le 9 novembre 2016 – En Amérique du Nord, non moins de 30 à 40 pour cent des ordures ménagères sont des déchets organiques, c’est-à-dire des résidus biodégradables qui pourraient être compostés, mais qui bien souvent sont envoyés au dépotoir.

Or, le gouvernement du Québec compte interdire l’enfouissement des déchets organiques dans les décharges à l’horizon 2020. Nous devons donc agir vite pour réduire la quantité de résidus alimentaires que nous mettons à la poubelle.

Selon une étude menée par des chercheurs de la Faculté des arts et des sciences de l’Université Concordia dont le compte rendu a été publié récemment dans la revue Waste Management, une méthode de compostage pourrait produire du compost de très bonne qualité ainsi que de précieux sous-produits. Le hic? Il faut s’accoutumer à la vue des vers.

L’auteure principale, Louise Hénault-Ethier, a mené ses travaux dans le cadre d’une maîtrise s’inscrivant dans un programme d’études individualisées de Concordia. Elle a mis à l’épreuve différentes méthodes de vermicompostage afin de voir si elles neutralisaient suffisamment certaines bactéries pour que l’utilisation du compost soit sans danger pour les humains.

« Le compostage centralisé, l’une des méthodes de compostage industriel qui connaît la plus forte croissance à l’heure actuelle, est assujetti à des directives gouvernementales très strictes qui imposent un assainissement thermique visant à éliminer toutes les bactéries dangereuses », expose la chercheuse.

En vertu de ces directives, le compost doit atteindre, par un processus d’autoéchauffement dû aux microorganismes décomposeurs présents dans le compost, 55 °C et rester à cette température pendant trois jours.

« Mais, dans le cas qui nous occupe, les vers se nourrissent des décomposeurs, ce qui empêche l’autoéchauffement, poursuit-elle. Nous avons donc voulu voir si le vermicompostage, qui se déroule à température ambiante, pouvait éliminer les bactéries nocives. »

Louise Hénault-Ethier a travaillé avec Yves Gélinas et Vincent Martin, respectivement professeur de chimie et professeur de biologie à Concordia, pour examiner les effets du vermicompostage sur Escherichia coli (ou E. coli), bactérie souvent présente dans les matières fécales et qui peut facilement contaminer les déchets organiques mis au compost.

Les chercheurs ont conçu trois expériences afin de surveiller la présence d’E. coli et d’évaluer l’incidence de trois facteurs sur la survie de cet agent pathogène : la taille de la masse de compost, la quantité de microorganismes d’origine naturelle présente dans le compost, et la vitesse à laquelle le compost est alimenté.

Dans chaque cas, les vers ont opéré leur magie et fini par produire un compost dont le dénombrement bactérien était conforme aux limites réglementaires. En présence de vers ou des microorganismes normaux du compost, le nombre d’E. coli diminuait assez rapidement. En l’absence de vers ou en milieu stérile, ce déclin était juste un peu plus lent.

« Nous avons observé qu’il fallait de 18 à 21 jours en moyenne pour ramener le nombre d’E. coli bien en deçà de la limite fixée par la loi », explique Yves Gélinas. Celui-ci a travaillé en étroite collaboration avec Louise Hénault-Ethier pour examiner l’incidence sur la survie de la bactérie de certains éléments ou composés présents dans le compost, comme le carbone, l’azote ou les sucres.

« Bien que ce temps soit plus long que dans les méthodes de compostage classiques, il ne constitue pas un obstacle fondamental », ajoute le Pr Gélinas.

 

Suprarecyclage des déchets

Pour Louise Hénault-Ethier, récemment nommée responsable des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, outre les résultats des expériences sur la survie d’E. coli, ce sont les avantages connexes du vermicompostage qui présentent le plus grand intérêt.

« Utilisé comme engrais, le compost obtenu pourrait accroître le rendement végétal et, plus étonnant encore, les vers eux-mêmes pourraient être réutilisés comme nourriture pour d’autres animaux de la chaîne alimentaire », affirme-t-elle.

C’est ce qu’on appelle du « suprarecyclage », un procédé qui consiste à générer un produit de plus grande valeur que le produit résiduaire initial du recyclage.

L’idée de nourrir des animaux d’invertébrés peut sembler un peu étrange. Il s’agit toutefois d’une méthode éprouvée pour le remplacement éventuel du soja et de la farine de poisson employés d’ordinaire, dont la production exige une consommation intensive de ressources.

« Cette étude donne à penser que des techniques de suprarecyclage comme le vermicompostage pourraient être développées à plus grande échelle en vue d’une utilisation commerciale », commente Louise Hénault-Ethier. Lorsque celle-ci était coordonnatrice des questions environnementales à Concordia, elle a mené un vaste projet d’élevage de vers qui a permis à l’Université de composter 15 tonnes de déchets organiques par an.

« Bien que le compostage classique permette d’éliminer rapidement les organismes pathogènes par la chaleur, ce procédé industriel pourrait en réalité prendre plus de temps pour arriver à maturité que le vermicompostage. Pourquoi alors ne pas choisir cette seconde méthode et attendre le temps qu’il faut pour produire un compost exempt de pathogènes et riche en éléments nutritifs, dont on pourrait nourrir plantes et animaux? C’est avantageux à tous points de vue. »

Les résultats montrent que le vermicompostage est une méthode efficace d’assainissement des déchets organiques, qui permet en outre de produire des protéines utilisables à des fins d’alimentation animale.

Si l’élimination d’E. coli observée dans la présente recherche est prometteuse, Louise Hénault-Ethier souligne toutefois que d’autres recherches sur un plus large éventail d’agents pathogènes sont nécessaires.

Partenaires de recherche : Cette étude a été financée en partie par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies.


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